•  A vrai dire je me suis pas mal relâchée pour me consacrer exclusivement à Inéluctable, et un peu à ce texte, présentant Ben, un OC créé récemment.

    Ben & Joe
     

    Ben & Joe

     

    « Tu as l’air si triste, tu es sûre que tu vas bien ? Pourquoi ton écriture est si noire ? »

     Ben était marginale.
    Celle qu’on n’appréciait pas avant de constater ce qu’il en est sans vraiment savoir pourquoi, viscéralement. La demoiselle qu’avait pas la langue très pendue, misanthrope tacite. Spontanément esseulée lorsqu’elle est privée de son téléphone, son envie de vivre ne tenait qu’à cet appareil. Qu’à des personnes à des centaines de kilomètres.

    C’était Ben, cette fille-là, et il n’y en a qu’une dans le genre.

    Il n’y avait qu’à l’observer : sa longue crinière bestiale fusait de part et d’autre de son visage, son odeur fétide agressait les narines de ceux qui avaient le malheur de passer trop près d’elle, et son corps élancé se déplaçait avec nonchalance,  corps attifé de vêtements mal accordés qu’on avait choisi pour elle, faute de pouvoir la traîner dans la moindre boutique.

    Ben se contre-fichait d’un nombre incalculable de choses, de telle façon qu’il était plus simple de citer ce qui lui importait. Elle n’avait d’yeux que pour ses études et ces prénoms dans cet écran.
    Ce pourrait paraître paradoxal, toujours est-il qu’elle était une excellente élève.

    En outre,  elle était très désordonnée. Elle perdait tout ce qui n’était pas chargeurs, ordinateurs, téléphones, écouteurs, livres et cours.
    Sa chambre était un perpétuel débarras dans lequel personne ne se risquait à mettre les pieds. L’adolescente se contentait d’obéir au peu de choses qu’on lui demandait de temps à autre, histoire qu’elle ne baigne pas éternellement dans sa propre crasse. Et c’étaient là les limites du respect qu’elle nous portait.

    Je me rappelle que lorsque je décidais de la sortir prendre un café de part sa réclusion totale et à long terme, elle ne daignait pas m’octroyer un piètre regard, finissait sa diabolo grenadine en une poignée de secondes pour se replonger dans la contemplation de la machine, me signifiant peu subtilement son impatience de retourner au bercail.

    Je vous avoue qu’elle était agaçante. Elle était hautaine sans consacrer du sien à ce rôle, ce qui était d’autant plus hérissant. Une fille qui pousse au mépris de part son apathie qui suffisait à sous-entendre tout son dédain.
    Les rares fois où elle guignait prestement vers moi, m’octroyant là une attention éminente, son œillade était si amorphe que j’avais instantanément l’impression de la blaser.
    Moi, je lui souriais, alors que déjà elle retournait vaquer à ses occupations.

    Je ne sais pas ce que ces gens du net avaient de si spécial par rapport à nous, du moins certains d’entre nous.  Je conçois parfaitement  que nous soyons contraints de côtoyer bon nombre d’imbéciles, mais de là à cataloguer tous ses contemporains physiques comme tels…
    Ben demeurait un mystère, tout comme ses amis.

    C’est quand elle est entrée au collège, et dans l’adolescence soit dit en passant, que ce processus s’est enclenché.
    Timide comme tout, la petite n’était pas parvenue à s’intégrer.  Les crasses que lui faisaient ses camarades avaient pris d’erratiques proportions, cependant pas au niveau de son état d’esprit comme on aurait pu l’insinuer. Ben n’a jamais fait de dépression. C’était peut-être pire : elle ne se préoccupait plus de son entourage réel, jusqu’à sa propre famille, sa propre sœur, quoique je ne sois pas complètement gâteuse.

    Pendant les vacances d’été de son passage en seconde, Ben a pris les démarches pour ne plus se rendre au lycée et suivre des cours par internet. En vue de son comportement ambigu, elle n’a pas eu trop de difficultés à obtenir son autorisation, d’autant plus que l’équipe pédagogique avait fait preuve de compréhension.
    J’étais peinée de la voir s’enliser dans l’asocialité, aux antipodes de l’enfant gaie, tactile et chaleureuse qu’elle fut.
    Néanmoins, -je ne l’ai compris que plus tard- Ben sourit tout le temps de l’intérieur.
    Vous savez, ma sœur a un sourire magnifique. 

    Il y a des mois de cela, ma curiosité l’a emportée.
    J’avais pensé que, à l’accoutumée, sa chambre exhalait des odeurs pestilentielles, plongée dans un tohu-bohu infernal, et que Ben était parfaitement à l’image de ce foutoir : les cheveux gras, la peau crasseuse, à moitié nue, ses intestins glapissant des borborygmes.
    D’un touché arachnéen, mes doigts ont lentement entrebâillé la porte.
    J’en suis encore toute pantoise : une quiète fragrance s’échappait de la pièce – probablement du romarin-  méticuleusement rangée, pas un détritus ne jonchait le sol, et Ben… était plus que jamais coiffée et propre.
    Sa chevelure satinée saillait de son chignon, sa peau diaphane et rosée luisait à la lumière du jour de part ses volets exclusivement ouverts, et son teint était frais, une image qui la supposait très paradoxalement quelconque.
    Aussi, l’adolescente s’était habillée, et ce avec goût : elle portait un short à mosaïques noir dont les extrémités étaient effilées et un T-Shirt de basketball rouge cerise sur lequel stipulait « Bulls 33 ». Couchée à plat ventre sur son lit, son ordinateur portable posé sur une planche afin qu’il ne surchauffe pas, ses pieds battaient l’air.
    Une voix qui s’adressait clairement à elle mais dont je ne percevais pas les mots m’indiqua qu’elle n’était pas seule.
    Et ce sourire qui ne se détachait pas de ses lèvres me révéla qu’elle était amoureuse.

    Un jour, j’ai entendu le crissement de la porte, à une heure très avancée dans la nuit. Encore une fois, j’ai épié. J’ai lâché un large soupir de soulagement quand j’ai aperçu la svelte silhouette de Ben. Pas elle.
    Elle ouvrait grand les yeux, comme si j’avais été la pire des mouchardes, sa mine atone disparaissant momentanément. L’adolescente se dirigea dans sa chambre sans moufter. Elle semblait parfaitement assumer les conséquences de son escapade nocturne, avisant que j’allais cafter à l’aurore.  J’aurais voulu lui hurler dessus pour l’estime si faible qu’elle avait de moi, mais j’ai dû me contenter de lui lancer un regard assassin.
    « Je chantais »,  elle avait dit.
    Et elle m’a toisée, les yeux mi-clos, voilés d’une curiosité nouvelle.

    L’adolescente était daltonienne, sinon que c’était nous qui l’étions tous. Un grand hasard que nos deux familles étaient composées toutes deux de gênes daltoniens et qu’elle contracta les deux.
    Le ciel était outremer tel la teinte intense du lapis-lazuli, la boue jaunâtre comme l’ambre, les cheveux  roux de tante Marianne d’un châtain caramel, la couleur de ses sapins semblable à celle des choux intacts dans son assiette délaissée…

    D’ailleurs, Papa et Maman.
    A m’entendre, on pourrait les croire invisibles. Nos parents n’étaient pas séniles, eux non plus. Pourtant ils subissaient le même traitement que nous tous.
    J’étais plutôt fière d’eux, un des rares couples qui perduraient.
    Au début, Papa était devenu très irascible face au comportement de ma soeur, et les disputes fusaient jours après jours. Ben restait si posée que P’pa s’énervait et lui décochait des gifles. Alors, elle partait se coffrer dans sa chambre en caressant sa joue rouge.
    Maman, pacifiste plus apte à la discussion, avait convenu d’un marché avec Ben, après avoir longuement discuté. Elle devrait devenir une femme responsable, être capable de prendre pleinement son avenir en main, cesser d’être asociale… Enfin, être ouverte, intéressée, débrouillarde. Je suis restée éberluée de méthodes aussi douces et de la confiance que M’man portait en elle malgré tout.
    Dès lors, P’pa et Ben ne se sont plus adressé la parole. Ils n’étaient liés que par la collocation.
    Pourtant, Papa était quelqu’un de très intelligent.

    Ben ne montrait aucun signe de remords, alors je n’en ai pas eus pour elle. Inconsciemment, j’avais agi comme M’man. Elle ne pouvait pas être elle-même stupide puisqu’elle nous jugeait tous en tant que tels, non ? Ce serait un comble.

    Nos proches pensaient que Ben faisait peur, à rejeter tout le monde. Quelle était bizarre, voire folle,  à ne parler qu’à des « inconnus ».  Ils ne le disaient pas ainsi, mais je constatais bien que leurs lèvres se languissaient de parler en ces termes. Ah, la diplomatie change tout. Mais Ben ne cachait pas de cadavres dans sa chambre, et elle n’était ni zoophile, ni sataniste, et Ben ne les effrayait pas vraiment.
    Je devine de la condescendance dans leurs paroles. Il paraît que Ben a pris le mauvais chemin, que c’est triste d’être témoin de ceci, qu’ils s’inquiètent pour elle. Est-ce qu’elle va se pendre, demain ? Est-ce qu’elle va mourir esseulée ? Pourquoi ne pas lui faire prendre des visites chez le psychiatre ?
    Mais Ben n’avait pas besoin de changer. Pas encore. Ben était bien, et personne ne voulait la laisser nager dans son monde mirifique.
    Et si c’était Ben qui avait peur de nous tous, hein ? Moi, je vous l’affirme.
    Ben a une phobie sociale.

    Mais Ben, c’était rien qu’une fille pleine de rêves. Elle était belle. Et surtout, et surtout, Ben souriait plus que nous tous, derrière cette voix monocorde et cette silhouette atone, plongée dans son monde mirifique.

    Ne dites rien, et laissez-la dans son coin.
    Ben est heureuse, bon sang !

    Ben & Joe


    4 commentaires
  • Un petit texte très vite fait en vue de l'état qui s'empare de moi ces derniers temps et de l'inactivité de mon blog. 
    Je travaille, je travaille. 



    Petite

    (Cosplayeur : helyxzero ; Anime : Watamote ; Personnage du cosplay : Tomoko)

    Je suis petite. Trop petite et trop chétive. Et en plus de ça, je suis très frêle.
    Je ronge mes ongles, je gigote, je cogite.  Je rougis. Je suis timide et nerveuse.
    Je ne me souviens pas avoir déjà ouvert la bouche. Mes lèvres me semblent avoir toujours été soudées.  
    Je me racle la gorge et je me défile avec appréhension. Ai-je déjà regardé quelqu’un dans les yeux ?
    Je frissonne, je claque des dents. Il n’y a que cet écran qui me soulage. Et l’obscurité.
    Encore elle. Ma meilleure amie quand la peur s’empare de moi.
    Je voudrais hurler,  que les battements de mon cœur se soulagent, que mon ventre arrête de grésiller et que ma poitrine soit moins contractée.  Je voudrais avoir du courage, et rattraper cette silhouette si leste que son apparence m’est inconnue.
    Rattraper l’utopie que j’avais jadis effleurée. Me rattraper moi-même.

    Je grandissais, quand on m’a coffré dans un corps de petite fille.
    Je devenais un boulet de canon quand on m’a fiché une mauviette.

    Putain.


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