• Il s'agit d'un texte que j'ai écrit fin septembre en réaction à mon improductivité et mon insatisfaction. Depuis lors, j'ai l'impression d'avoir fait d'assez gros progrès sur moi-même, quoique le plus gros reste à faire : reprendre le réflexe d'écrire. Je sais que j'ai déjà clairement repris celui de dessiner, et que je me fais pas mal violence sur l'écriture. 
    Je ne serai sans doute pas allée aussi loin dans ce travail de moi-même si je n'avais pas rencontré quelques artistes à la productivité surpassant de loin la mienne. Je me suis sentie dépassée par le courant de la vie active, oisive dans mon lit, et j'ai souhaité être bercée par autre chose que par mes draps. 

    J'aurais donc un nombre assez conséquent de dessins à poster. Peut-être que ça ramènera au blog un peu de sa vivacité passée ? J'ai de quoi largement remplir cette rubrique dessin, croyez-moi ! 

    Mon petit univers reprend de ses couleurs. Petit à petit. 


     

    Mon père, c’est l’écriture ; ma mère, le dessin.
    Je ne saurais discerner mon délaissement du leur. Sûrement à cause de la relation fusionnelle que nous entretenons. Et je préfère être incomplète, maudite par ces membres fantômes, qui, chaque seconde, me rappelleraient leur affligeante absence, que de me complaire dans un quotidien où ils n’auraient pas leur place.
    Peut-être que par réflexe de survie, s’il s’avérait que les sensations en découlant devinssent intenables, alors, seulement, au paroxysme affliction, je me remettrais à faire de l’art avec zèle. Or, je ne souffre pas. Je me sens ignorante et inculte plus que jamais, je me sens contre-productive et inutile, ce sont mes maux, j’entends, mais je suis parvenue à construire un bonheur en entrevoyant ma mère de manière mensuelle, et mon père, de manière semestrielle. Un bonheur complaisant, fait d’innombrables concessions, capricieux et versatile ; en somme, imparfait, et dont les exigences m’empêchent d’être maçonne.
    Il y a de cela un an, un an seulement, j’aurais eu le courage d’aller au devant du bonheur (« Quel est le sens de cette utopie que recherchent d’arrache-pied les Humains ? N’est-elle pas par elle-même contre-productive ? Ne me rend-t-elle pas dépendante de mes compères, m’arrachant là à mes passions ? N’y a-t-il pas bien mieux à faire que de construire son propre bonheur ? ») pour la grâce de mon autonomie, pour la grâce de mes mains, que je souhaite voir façonner pléthore d’œuvres, dont j’ai besoin de tirer de la fierté, mais qui, finalement, sont terriblement creuses, terriblement paresseuses.
    A l’instant T, je ne peux prétendre à la qualité de vie que j’avais acquise par le passé, un rien plus fugace que mon malheur. Quand je songe à cette période-là, c’est toujours avec admiration : l’intellect en formation, critique, aiguisé, les valeurs et la force du chevalier, le don de transposer quoi que ce soit sous forme artistique. Je ne coulais pas une vie tranquille, et on vit peu de vies tranquilles  se confondre dans l’art. Je l’avais trouvé par hasard, dans une ville que je ne qualifierais pas de calme, entre deux ruelles boisées et lumineuses, au milieu des passants, divers et pressés ; ce phénomène que j’ai nommé « le pinceau irisé de la création », et que j’adoptais aussitôt au détriment de l’éponge noirâtre qui inondait mes feuilles de ses marasmes – mais au moins, qui les inondait. Et, toujours par hasard, je l’avais perdu, pour me retrouver tant démunie du merveilleux pinceau que de l’éponge fuligineuse ; au passage, j’avais également, malencontreusement, égaré mes sentiments, mes émotions, mes souvenirs, la chaleur d’un ami, le plaisir d’une passion, mes raisons de vivre, comment aimer, et tant d’autres richesses...
    De la sorte, ma vie semblait toujours avoir été guidée par des aléas maladroits et aléatoires, ainsi l’unique période durant laquelle ma condition m’a semblée aller d’elle-même correspondait à celle où je babillais encore. Je ne donne pourtant pas dans le déterminisme, mais quelque part, mon libre-arbitre en lui-même paraît se rapprocher du stoïcisme, impartial : c’est-à-dire qu’il n’est en aucun cas lié à mes sensations corporelles... Ou alors, ce stoïcisme et ces sensations formeraient deux libre-arbitres indépendants l’un de l’autre, dont l’un, de toute évidence, parviendrait davantage à se faire respecter, aidé par les sensations corporelles, tandis que l’autre puiserait plus sa force en des notions plus abstraites, tels principes et souvenirs.
    Artiste à mes heures bénies, et d’une oisiveté incoercible à mes heures perdues. Lectrice à temps partiel, et philosophe auprès des êtres humains les plus insensés. Tout ce qui demande à ma concentration d’être inflexible, à mes mains de pianoter ou d’esquisser activement, à mes yeux de déchiffrer, se voit désormais relégué en-deçà bien des occupations.

    Aujourd’hui, j’ai feint la motivation, rongée par la jalousie de la productivité de mes compères, et déjà, je sens la paresse m’envelopper avec volupté, me vider de mes forces, injecter mes yeux de sang et abaisser mes paupières.
    Demain, demain seulement, je serai maçonne.

     


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