• L'étendard de la morale brûlait. Je le contemplais, immobile, comme happée par sa présence. Le monde n'avait plus aucun sens, il n'était que désolation et anomie.
    Tu étais là, toi aussi, tu te réjouissais du feu de joie. Seul. Une ombre enflammée se projette sur ton beau visage. J'ai envie de te rejoindre, mais mes pieds s'enfoncent dans les boues incertaines. J'ai peur. Tu as les épaules larges, mais que la solitude te pèse, d'autant plus par contraste avec mon activité, cette idée me terrifiait. Et rien n'a plus d'importance que ton bien-être. À l'aube, je peux enfin me mouvoir et te retrouver, mais tu t'es endormi devant le feu. Je pose un regard bienveillant sur ta silhouette silencieuse. N'aie pas un traître doute sur mes inclinations.
    Il n'y a que toi qui m'importe. J'ai envie de pleurer, dans les bras d'un autre ; les bras d'un autre me font souffrir ton absence. Je pense à ta solitude et ton envie, peut-être. Et seuls tes bras me semblent pouvoir s'accorder à mon corps.

    Libère-moi, je t'en prie. Ton indifférence creuse l'abysse de mon désespoir.
    ----
    Voix gutturale qui emplit ma tête
    de son râle insupportable
    Je préfère encore m'adresser aux morts
    Ils distillent mon empathie
    Eux, ils ne frayent pas le chemin de la mort
    Que ces mains, parasites, tracent sur mon corps
    Jusque dans ma cervelle, noueuse
    Mais quel triste sort
    Que celui du philanthrope
    Cette foi, éternellement
    Poussée dans ses retranchements
    Et le dégoût, despotique
    Corrode mon être, noircit la feuille
    Éjacule sur vos visages
    Sa rancœur verdâtre
    --------
    Je veux courir
    M'en aller disparaître
    Que jamais plus on ne me cherche
    Dans la pénombre sourde
    D'une nuit étoilée
    Je me tairai
    Je boufferai silencieusement
    Cette douleur coupable
    Étau de mon âme
    Mes tripes ont jailli
    Pluie sublime et sanglante
    Sur la ville, insouciante
    Et, sous les applaudissements
    Sortir de scène.
    ---- 
    Ce désespoir perplexe à l'aube de mes dix-neuf ans je veux l'anéantir
    Les lignes de tes mains où me mènent-elles si ce n'est à la désertion de ton âme
    Dis-moi dis-moi ce que tu attends de moi car je suis là qui t'attends contrite et lasse de m'éprendre
    Obstinément moi-même à me refuser à l'abandon quand l'écho de ta voix se veut lubrique
    Je t'aurais tout donné toi qui ne veux rien pardonne-moi c'est mon côté stupide
    ----
    Par ce baiser succinct tu pèches.
    Tu le sais, que tu pèches ; tu la sens, mon âme, glisser doucement entre tes lèvres. Tu l'entends, le bruit strident qu'elle fait en craquant entre tes dents.
    ----
    Je me souviens de l'Éden que c'était
    Tu étais pur et moi aussi
    Si purs, et pourtant... Je ne te vois plus dans le brouillard assourdissant de la ville du quotidien et des voitures
    ----
    Ton corps qui frémit à la vue du mien
    Je me délecte de ta peau comme de ta faiblesse
    Tes doigts se plantent sur mes hanches par une irrépressible envie de me déchirer
    Je viens l'apaiser en t'étreignant gentiment
    ----
    Le son du carillon et l'herbe qui se soulève
    Tu as couru pour moi je n'oublierai pas
    Et ta main en cet instant saisit ma main sans s'arrêter
    Jusqu'à attraper mon âme et le figer dans l'éternité
    ----
    J'étais là, perchée du haut des escaliers, brillant de ma hauteur et de ma superbe, le regard dur et acerbe planté sur ceux qui se précipitaient à mes pieds. Et moi qui vantais une morale de la bonté et de la gentillesse, je me surpris à penser à la vue de cette silhouette ronde en contrebas :
    « Quel castor ignoble. » 
    ----
    Je t'ai loué mon corps, ce n'est pas assez.
    Oublie,
    Oublie ;
    Oublie...
    Oublie.
    ----
    Je manie les mots comme la faux.
    Le seul moyen pour moi de guérir, c'est de les voir tuer, déchiqueter, éventrer... C'est de représenter ton cadavre perforé comme une passoire, zigouillé comme le jouet mâché de l'enfant, défoncé en toute violence, ton cadavre qui dégueule incessamment sur le béton poussiéreux...
    Les hématomes, le sang, ton visage déformé : encore, et encore, et encore.
    Jusqu'à ce que ce spectacle tienne à la fois du conscient et de l'habitude.
    Je suis le croque-mort improbe, la nuit venue, je déterre les morts pour jouer avec leur cadavre.
     ----
    Comme si les masses pendues et sanguinolentes étaient accrochées aux cieux, que marcher signifiait donc forcément jouer des coudes pour se frayer un chemin à travers leurs pieds
    Tout le beau s'est calciné et devient l'instrument de la tristesse
    ----
    Mon corps porte les stigmates de ton indifférence
    ---- 
    Que les autres bruits se taisent
    Que dans mon poing le monde disparaisse
    Et la gratuité de la vie... En finir.
    ----
    Il fait beau et mon corps tremble
    Un soleil noir éclaire le passage


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  •  

     

    Elle était là, songeuse et perplexe, de fait, ne pipant pas mot, à se demander ce à quoi il pouvait bien penser, si ses inclinations étaient réciproques, calculant chaque geste de façon à ce que rien n'y transparaisse, glacée qu'elle était à l'idée d'être la seule à nourrir de tels sentiments.

     

    Lui riait. Il ne pensait à rien.


    ---------------------

    Et si c'est ta contenance que ma verve stimule

    C'est qu'elle a échoué

    ---------------------

    Penché sur moi

    Tu guettes ton reflet dans mes iris

    Tu te souris, Narcisse

    ---------------------

     

    On perd quelque chose dans la multitude. Cette sempiternelle soif jamais ne s'épanche devant ces silhouettes qui, à quelques détails près, sont toutes les mêmes. 

     

    Dans la multitude, je m'efface : je ne suis plus que chair.

     

    ---------------------

    J'ai jeté le seau de la raison sur le feu de la passion

     De la violence de l'amour il ne reste que la tendresse

    ---------------------

    Tu as noyé Eros dans l'onde

     Impitoyable, chacun de tes mots comme un coup de burin dans mon âme

    --------------------- 

    Perplexes pensées dirigées

    Comme dans un tourbillon inexorable

    Vers ton être abscons

    Indéchiffrable, tu ignores

    La nature de ta propre didascalie

    --------------------- 

    Je n'ose quoi que ce soit

    De peur d'être fustigée

     De ton regard indolent

    --------------------- 

    Épargne-moi bien des tourments

    Si seule la versatilité de tes humeurs

    L'étreinte d'un instant

    T'amène à happer mon âme

     Pour la mâcher, saveur mentholée

    --------------------- 

    Ma sensibilité nourrit, fidèle à elle-même

    Des espoirs depuis longtemps abattus

    Ta main sur ma peau exorcise cet amour de cendres

     Ils renaissent incandescents

    --------------------- 

    La stupeur t'avilit

           Tes orbites vides, trous scrutateurs

        J'y plonge et m'y abime

      Honte

      Lorsque ton rictus approbateur

                m'apparaît insatisfait

       À sourire timide

       Emprise ferme

     

    Et toute cette mascarade

    n'a aucun sens... 

     

     

                                          Je suis sans visage

       Je n'existe plus

           Il ne reste que

                                       l'amère réminiscence de ma frustration

     

     


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