•    Et puis tout à coup la lumière fut étouffée et l'obscurité demeura. Bien sûr, je n'eus, dans un premier temps, rien qu'envie de pleurer et de me recouvrir de mes minces plumes. Ce genre d'indignités me traversait souvent l'esprit. Je cherchais quelque chose, mais je me trouvais désespérément bredouille. Ce n'était pas un sentiment beaucoup plus élaboré qu'une frustration enfantine.
       Fidèle à moi-même, je me mis à tâtonner. J'avais les larmes aux yeux d'être aussi déboussolé. Désormais, j'empruntais mes sentiers non seulement au hasard, mais aussi à l'aveugle.
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       Je ne savais quoi déduire de ces désirs ; comme si, à force d'aspirations, celles-ci s'étaient éloignées de moi jusqu'à devenir inconcevables, et que, réalisées, je n'avais plus que de la stupeur à exprimer.
       Je m'imaginais cette lumière avec un sentiment d'adoration depuis cette chambre ensommeillée, un bouquin sur la table de chevet et une chimère pour bercer mes rêveries et guider mes pas, et maintenant, son rayon filtre à travers la porte entrouverte...
       La voyant si proche, je me suis terrée sous les couvertures. Je pouvais pas, moi, toucher à une si belle chose... 
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    Quatre ans d'amours fanées.
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       De ce petit air déconfit, tu me dis :
    « Et moi ? Pourquoi pas moi ? »
    Puis tu déchires toutes ces aspérités, tu en deviens une plus grande encore...
    Une absconse pulsion m'amena alors devant ta pauvre stèle
       Toi, tu me dis
    « Et moi ? Pourquoi moi ? »
    Et tu te tus.
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    Le chat roux sur le sentier solitaire aventurier 
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    Ses lèvres que les miennes ont humidifiées
    Ses timides baisers, son œillade gênée
    que j'aperçois parfois quand je lève les yeux
    Diable, son regard est d'un enfant !
    Mais cette pureté je la fuis et je l'admire
    Tout comme je suivis la lumière sans jamais pouvoir me résoudre à la faire mienne
    Jadis avec insouciance je faisais ce qui me semblait bon
    Je prenais le sentier qui me plaisait, je jouais avec les escargots et à grimper sur les cordes des jeux pour enfants, je riais sans m'en excuser
    Pour le bonheur des autres j'aurais souffert l'opprobre
    Ce visage espiègle et troublé, je le croyais congédié par la vie et par le meurtre
    Aujourd'hui je le retrouve, désabusée
    Cette joue ronde, est-ce bien celle d'un adulte ?
    Je l'entends rire encore, cette enfant... Elle rit de toutes ces préoccupations, elle joue, dessine et raconte des blagues... C'en est insoutenable de liberté.
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    L'écureuil qui traverse la route avec hâte
    Son feu sourire étiré jusqu'aux pommettes
    La ville que j'ai parcourue maintes et maintes fois
    Et celle que je ne verrai plus
    La douce solitude matinale et quotidienne
    On me la dérobe quelques instants
    Et déjà cette envie de m'échapper...
    On me présente ce pâle ennui de substitution
    Heureuse et sans raison de vivre et simple d'esprit
    Le dragon endormi et le guépard qui ronronne
    La rage vindicative ? L'ai-je seulement ressentie un jour ?
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       L'albatros aux dents aiguisées avait-il seulement existé un jour ?
       Il s'était égaré sur le sentier ; et ce qui est égaré est presque immédiatement inexistant, le regret, d'abord, et faute de pouvoir vivre éternellement dans cette affliction, il lui succède l'oubli, inévitablement.
       La lumière, l'avait-il jamais attendue ? Ou ne serait-ce que vue ?
       L'albatros aux dents aiguisées aimait à se sentir traversé par ce sentiment, l'amour, la langueur du poète, il s'en était empiffré. Il avait fait toutes sortes d’œuvres d'art pour se prouver qu'il existait, cet amour. Il en avait douté aussi, et ses œuvres en étaient ressorties d'autant plus belles.
    Il avait appris la patience, et grâce à la patience, il s'était fait artiste ; il avait congédié la simplicité et la satisfaction pour vivre dans cette douleur élévatrice, cette expectative qui n'en finissait pas et ces questions incessantes à n'en plus dormir la nuit.
       À cette époque-là, on le connaissait et on le nommait « L'albatros aux dents aiguisées » : le vif, le charismatique, le passionné. Mais l'albatros s'était lassé de déployer tous les efforts du monde pour transformer sa boue en or. C'était ce pourquoi il était admiré, pourtant, cette image de lui-même, benêt, gentil, infiniment troublé, lui était devenue insupportable. Il trouvait à redire à la contemplation religieuse, il n'en avait pas fait moins.
    L'albatros voulut s'abandonner à la débauche et la luxure. Il pensait tenir sa revanche. Il dut se contenter du plus pur, et de l'indifférence. Il ne la tenait toujours pas au bout du compte. Il pataugeait dans sa médiocrité. Les femmes lui faisaient l'amour lors que toute sa frustration n'appelait qu'à la baise. Quand elles parlent, c'est d'une manière si douceureuse que sa peau en est traversée de chair de poule. L'amour ne l'émouvait plus, il voulait encore les coups, les griffures et les morsures sur son corps et les leur.
       Il était heureux. Ce sont ses dires. Enfin, déjà l'habitude agitait ses journées, et cette terrible oisiveté... Bientôt, il ne sentit plus même la revanche brûler dans sa poitrine. Quand il y pensait, il lui prenait toujours de pulvériser le souvenir de cette lumière si peu modeste et si arrogante. Mais c'était compter sans les femmes ! Et combien elles lui faisaient l'amour doucement ! À en anéantir toute la rage d'un homme.
       Il était donc là, bien content d'avoir joui, les sentiers et les lumières, il n'en avait plus rien à faire, ils appartenaient à une autre vie, bien antérieure, bien révolue, désormais, il se plaisait à être grossier. Il avait cette vague envie de pleurer de temps à autres, de tendresse ou de tristesse. Rien de beaucoup plus violent.


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