• Amen - Oblivion

    Tu es parti devant.

    Bien trop devant.

    Un jour, nous te rejoindrons.
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    Il est deux heures vingt.
    Je n'ai pas écrit depuis longtemps. Les jours défilent à une vitesse effrénée, et cela m'effraie.
    Les corps se dandinent et se cherchent, se dédaignent et s'aiment. Je ne sais quoi penser de ces corps-là. Ils ne pensent qu'à s'unir, ce qui les éloigne considérablement : il faut penser à bien d'autres choses pour s'unir. Ce sexe-là n'est qu'une illusion d'union, un effleurement éphémère qui ne crée aucun lien...
    Je ne sais comment cesser d'imaginer le pire. Je me vois comme un hamster dans sa roue, la roue de l'amour et de l'harmonie. Aveuglé par sa propre course, il ne sait plus regarder aux alentours. Il a peur et sa peur l'empêche de se détourner.
    Des échappatoires, il y en a, mais il ne sait plus en chercher.
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    Dans ma poitrine se niche un pressentiment alarmant, le pressentiment de quelque chose d'authentiquement malsain et exécrable. J'ignore quel ressenti écouter ; j'en sens un m'étouffer conjointement à ses mains, autour de ma gorge, ils me murmurent :
    « Il ne fallait pas te lancer là-dedans. Maintenant, le demi-tour n'est plus possible. »
    Il se targue de philanthropie mais tait ma détresse.
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    Je me souviens de tes nombreux baisers avec mélancolie
    Ta fougue sans amour, j'ai dû l'oublier
    Tes mains sur mes fesses, dûment remplacées
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    Sourires contre sourires contre sourires
    En contemplant le tien il me semble qu'il n'en existe guère d'aussi beau
    Ton regard sensible voit rouge et dépose son châtiment sur ma peau
    Et le mélange confus des sensations vient perturber le flot de ma douceur
    [...]
    C'est lointain et pourtant, l'alcoolémie réveille ces instincts
    Je n'y peux rien, en vain tu m'attires, toi aussi
    La réminiscence de cette tendresse sans amour vient envahir mes pensées
    Tes yeux charmeurs qui se regardent au fond des miens, mais charment, tout de même
    Bientôt je m'enquéris de tes lèvres passionnément
    La langueur de tes baisers devient mon abîme
    J'y plonge gaiement
    Tes mains dévalent mon corps avec une agilité surhumaine, me transforment en un râle de plaisir difforme
    Je n'ai plus souvenir de rien si ce n'est que je t'aime follement
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    Deux mille dix-neuf. Pourtant, je n'ai pas l'impression d'avoir dix-neuf ans. Ces deux jours de non-existence reflètent en moi ces deux ans de non-existence.
    Deux mille quinze et deux mille dix-sept.
    Et je me sens encore si jeune. Je n'ai que dix-neuf ans et j'ai déjà passé deux ans à ne pas exister.
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    Oblivion.
    Cet abysse qui s'est empris de ton sourire depuis bientôt deux ans. 
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    Le vice est en nous tous. 
    Il coule dans nos veines, personne n'y échappe... Et sûrement pas toi.
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    Pourquoi insistes-tu tant pour que je sois tienne, puisque tu ne veux pas me garder à tes côtés ?
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    J'ai créé mon propre supplice. Il se tient ici, condamné à voir échouer là où, probablement, il aurait pu exceller, continuellement, et à aimer encore et encore à cette vue horrifique...
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    Ici tu liras les dernières lignes, la dernière vaine tentative de me faire comprendre. Ces lignes font acte de testament de notre relation ; par là, je ne te demande que de me lire. Tu pourras me dire que moi non plus, je ne suis pas très optimiste. J'aurais aimé qu'elles n'existent pas. Je te répondrais d'une manière non moins rassurante que je n'ai fait qu'écouter une des voix dans ma tête, la plume du poète, celle que Nen manie dans sa dimension hors de la Terre, de la Géhenne et de l'Eden. Celle qui n'a que faire des attaches, qui se soucie des sentiments tout en sachant en ignorer certains, car elle déteste les contentions bienséantes. Des réflexions, j'en ai réprimé, pour ton bien. Peut-être que moi aussi je ne peux pas être moi-même avec toi, car cet amour doucereux est là qui me caresse doucement la paume pour apaiser instantanément la rage. J'ai l'amour des phrases, pourtant, je renvoie la plupart d'entre elles d'où elles viennent. Je renvoie l'orgueil, je renvoie le cartésianisme, je renvoie même la justice, je laisse disposer la patience et le tact, ces entités qui ne me ressemblent pas, mais que tu presses dans mon âme. Je n'ai pas le choix - peut-être commence-t-on les reproches ? Il est trop tôt pour t'en conter de nouveaux, nous sommes de dangereux équilibristes -, malgré mes émotions, il en est que je ne dois pas te révéler ; je le sais pertinemment, ce serait la fin avant même l'arrivée du dessert - et le dessert n'est-il pas ce qu'on se languit de manger, même le ventre déjà trop plein ? -.
    Le temps presse, et j'ai envie de le fuir pour me terrer à tout jamais dans les spirales de mes draps. J'aimerais que tu y sois. J'aimerais oublier tout le reste. Et tu pourras te souvenir par ces mots du temps où on pouvait encore se désirer et s'aimer comme on désire et on aime ce qui est encore bon pour nous.
    Pardonne-moi, une fois de plus, je vais susciter ton incompréhension par ce je-ne-sais-quoi que je n'oserais appeler altruisme, car il est peut-être bien tout autre chose...

    Je ne te souhaite que le meilleur, et je sais que je ne regretterai pas ces mots, peu importe ce que tu pourras me dire ou faire. L'amour, ce pincement dans ma poitrine quand je t'embrasse et qu'en rouvrant les yeux, tu me regardes avec douceur ; l'amour, qui prévaut sur toutes les revendications ; l'amour, qui berce mon masochisme et me persuade de suspendre toute activité pour me consacrer à la rédaction d'un funeste texte... Cet amour-là a quelque chose d'intemporel. Peut-être arrive-t-on à ce que tu ne comprends pas. Cet amour-là est à mon image : téméraire ; et je me surprendrai encore à pleurer et écrire tard le soir en l'honneur d'une personne que tous mes mots auront souillée, simplement parce qu'un jour, je l'aurai aimée.
    Le temps me fait terriblement peur, davantage même que la mort vers laquelle il me précipite. Sans cet amour, le dernier souvenir qu'il me resterait de toi, celui qui éclipserait tous les autres, serait celui d'un être médiocre dont le seul mérite aura été de se laisser rapidement absorber par le temps qui passe pour peu à peu dévorer toutes les âmes, grand ami de la faucheuse... Ce serait déjà mieux que rien, mieux que le vide presque immédiat de ta mémoire dans lequel je serai inéluctablement, tôt ou tard, jetée.

    Merci d'avoir fait partie de ma vie, mon amant éphémère... Jouis de tes nuits retrouvées.


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