•      Je me suis élancée à nouveau, feu ranimé par l'étincelle d'une présence
    Je ne sais pas exactement d'où m'est venu cet espoir, il s'est immiscé tendrement dans mon esprit pour me trahir des plus sournoisement
    J'ai écrit des pages et des pages, j'ai couru des kilomètres et des kilomètres sous ce joug. Et quand l'espoir n'était plus là, il y avait toujours l'espoir d'un espoir ; et ainsi je continuais, parfois lasse, souvent infatigable. Cet échec supplémentaire, que je niais chaque jour différemment, me valait bien des tourments. Cette chair dans mes mains est encore trop grasse ; cet esprit encore trop brouillon. Mais je savais bien que l'amour, ce n'était pas l'affaire de quelques maladresses et de quelques kilogrammes. Pourtant, je l'ai combattu ce désamour des hommes. Pourtant, j'ai par mille apparats tenté de me faire plus aimable. Tout ce que j'en récoltais c'était de la considération pour mon fessier, et un éclat lubrique qu'on me prêtait volontiers, et à tort, terriblement à tort. Je ne me hais pas. Mais cette image biaisée de moi-même que je vois reflétée dans leurs yeux, ce que je la hais ! Cette image même que j'autorise à exister par amour et par dépit, aussi, dépit de ne pas pouvoir être représentée fidèlement, et de se contenter de mauvaises figurations.
          Petit à petit je congédie cette douceur.
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          Dans le miroir l'albatros aux dents aiguisées s'apercevait par intermittence. Parfois, il se voyait l’œillade fière ; plus récemment, abattue et larmoyante. Mais c'étaient des regards qu'il n'osait s'offrir que dans l'intimité de sa chambre et de son âme. Car il était grand, et sa douceur et sa prestance étaient du plus bel effet sur les femmes. Plusieurs fois il se surprit à être le centre de leur attention, avec ses épaules larges, sa mine grave, et ce costume qui seyait tant à sa carrure. Ses longues dents étaient rapidement oubliées, si elles ne constituaient pas un atout, une virilité de plus. Du pathétique, de l'abattement, il faisait une tristesse furieuse ; il contournait habilement ses défauts, qui devenaient sa noblesse. La déception qui découlait de sa passion dévorante se mutait. C'était sa rage de vivre désormais ; la force du désespoir qui le poussait à chercher un endroit en ce monde où il pourrait s'éprouver librement, inconditionnellement, enfin déployer ses grandes ailes sans rougir.
         Faute de le pouvoir, il aimait à s'oublier. Il lui arrivait souvent de se laisser aller à cette débauche nocturne. Il y avait toujours une jolie femme pour s'enticher de lui, ce qui ne l'empêchait pas, au levé, de retrouver son œillade larmoyante et cette envie d'enrouler ses grandes ailes autour de lui, jusqu'à n'être plus qu'un amas de plumes blanches et noires, et demeurer ainsi, caché, protégé. Il la savait factice cette noblesse ; il savait que sa main glissée dans une autre, c'était chaque fois avec des amours et des tendresses singulières. Routinier et passionné, tel était son mot d'ordre paradoxal, telle était sa perpétuelle souffrance, car il devait chaque fois se voir blessé d'être moins que ce qu'il eût aimé.
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         Je n'ai jamais su écrire que sur les choses sales. La pureté, ce qui, j'ose espérer, résulte de mon écriture, ne m'a jamais inspirée qu'une médiocre verve. Je l'ai choisie cette crasse comme par amour du contraste et de la confrontation du sain et du sale.
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            L'albatros avait beaucoup pleuré. C'était un homme et pourtant dieu sait qu'il avait pleuré. Lorsqu'il avait aperçu son visage en se levant, l'après-midi, il avait déploré ce culte de l'image qui consistait à placer des miroirs de partout. Chez sa mère, dans la pièce principale, il y avait le miroir du placard, le miroir du bureau, le miroir du couloir, le miroir du micro-ondes ; dans la chambre de sa mère, encore un miroir accroché au placard, un sur la table de nuit et un sur la commode ; dans sa chambre, qu'il n'habitait que lorsqu'il rendait visite à ses parents, comme ce jour-là, un miroir miniature sur le bureau, un miroir sur la commode, qui, au demeurant, lui offrait une plaisante vue de la musculature de son ventre ; enfin, rien d'anormal à ce qu'on trouvât dans les salles de bain un, deux ou trois miroirs. En fait, aucune pièce n'échappait à l'emprise de ces miroirs, et il ne pouvait résister à l'envie de s'y scruter à chaque fois. C'était une tendance que sa mère lui avait très efficacement communiquée. Ce n'était pas tant par narcissisme que par insatisfaction : il se tortillait devant pour tenter de trouver la position, l'angle dans lequel son corps lui paraîtrait indéniablement aimable, et repartait souvent bredouille.
         Mais enfin, son visage, ce jour-là ! Diable ! Méconnaissable ! Ses paupières s'étaient creusées comme s'il eût développé leurs muscles à force de pleurer. Franchement, ce n'était pas la peine d'avoir autant de miroirs pour se voir une mine pareille. Ça ne fait que désespérer davantage. Et l'albatros éprouva un profond dégoût de lui-même devant le pathétique qui ressortait de ses traits. Il se moucha tant qu'il fut surpris de la capacité de stockage de son nez.
         Qu'était devenue sa grandeur ? Il se sentait si petit face aux aléas de la vie. Pourtant il ne lui semblait pas que dans le nom « aléas » il entendit, même au pluriel, quelque chose qui fut insurmontable de premier abord, et pût causer tant de peine. Et bien que sa tristesse lui paraissait illégitime, elle était toujours bien confortablement nichée dans sa poitrine - simplement plus diffuse, puisqu'il avait cette sensation de nausée dramatique causée par la fatigue des pleurs.
         Comme sa voix était enrouée, ses yeux gonflés et petits, il prétexta auprès de sa mère un rhume et une insomnie. Elle acquiesça distraitement et parla beaucoup, beaucoup, sans discontinuer et sans se soucier qu'il l'écoutât. Il percevait quelques bribes de mots, travail, maladie, le nom de son père, argent, vacances, clopes, c'est qu'il y en a des préoccupations dans la vie d'une employée de bureau ! Ses tartines beurrées lui étaient toutefois beaucoup plus attrayantes. Elle prit congé de lui à brûle-pourpoint en brandissant son téléphone. Les petits yeux de l'albatros aux dents aiguisées s'ouvrirent un peu plus devant la vacuité de cette âme. La vacuité est aussi dense que le ravin. En dépit de ses ailes, il savait qu'il ne survivrait pas à cette vacuité-là. Trop profonde. On s'y perdait définitivement et on y mourait. Il la regardait donc s'agiter, s'énerver, ses yeux ridés et fardés, sa bouche ingrate plissée par un perpétuel mécontentement, sa chevelure teinte en roux qui luttait à son sommet contre les cheveux blancs, l'effort vestimentaire, aussi, qu'apparemment, ses collègues complimentaient, enfin le corps flasque qui s'y cachait ; et tout ça, pourquoi ? Pour la grâce de la vacuité ? Pour l'honorer à l'instar d'un culte ? L'albatros prit sa dernière bouchée et s'en alla. Il ne pouvait plus soutenir cette vue, il en avait le vertige. Il continua à avoir cette impression en quittant la maison. Sa voix lui parvenait encore ; une icône du vide, sa voix, elle le dissimule et le révèle en même temps. Or, il n'avait pas besoin d'être angoissé entre autres états d'âme.
            Il se réjouit du bleu du ciel en songeant à sa chance de le vivre et le voir. On surprit un léger sourire sur ses lèvres. C'était tout pour aujourd'hui, du reste ce serait les rires sociaux. Il s'en fut rencontrer du beau monde, un corbeau sans plumes, un chien extatique, un iguane patibulaire et un lémurien qui faisait corps avec les joints. L'état de ses camarades, plus déplorable que le sien, lui donna lieu de s'inquiéter pour d'autres que lui-même. Ces attitudes, en plus de conférer des airs humanistes à ceux qui les adoptent, leur permettent de se détourner de leurs maux et de cesser d'en prolonger les ramures.

            L'albatros allait cesser d'y penser, au moins le temps d'une journée. Demain il aviserait. Il avait le bonheur coincé dans la paume depuis longtemps maintenant. Il lui manquait l'audace d'en finir avec la langueur, et d'accepter le déclin du surhumain.


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  • Aujourd'hui se ressent comme la fin d'une Odyssée. Ou le début d'une autre, je l'ignore.
        En ouvrant la fenêtre, un vent d'une fraîcheur revigorante me caresse la peau. Il m'appelle, mais il est l'heure de dormir.
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    « dis-moi dis-moi pourquoi cette envie de hurler raconte-la-moi cette envie de hurler raconte-moi ce qui te brûle ce qui te dévore ce qui t'attriste raconte-moi la frustration ne m'épargne rien moi qui me nourris de tout ce fiel tu m'en vois ravie
    - je n'en sais rien vraiment rien ou bien peu de choses j'étais heureuse tout à l'heure et maintenant un peu moins [...] c'est peut-être de me taire c'est peut-être d'être dans l'ignorance encore et encore ou simplement simplement cette impression de m'enfoncer toujours plus profond parfois on y trouve bien des choses au fond on déterre des trésors enfouis ou des cadavres et sans doute un peu de quiétude »
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    Discret désespoir et
    Obsessions
    Je me sens l'âme en peine
    Donne-moi ta compassion

    Tu ne veux pas de moi, j'en suis orpheline
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    Dans mon œil l'urgence de ta présence
    Dans mes paroles, sa réminiscence
    Bien entendu tu n'es pas là

    Il me semble souvent que ma poésie tient d'une autre instance
    Que je ne pourrai jamais te l'offrir sans baisser les yeux, sans rire nerveux
    Comme si c'était trop d'être sérieux et d'aimer tout à fait
    Et pour un peu, me serait donnée l'occasion de t'en faire part
    Que je m'en excuserais.
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    Dans ce calme l'urgence du doute
    Le doute parasitique dans tes veines dans tes viscères dans les méandres de ton esprit
    J'aimerais t'apporter cette douce certitude :
    Quoi qu'il en soit, jamais, Ô grand jamais
    Je ne voudrais te causer du tort ; ce que j'attends de toi n'est rien de plus que ce que tu peux me donner. L'artifice et la civilité n'ont rien d'une audacieuse fougue.
    ----

    le dragon Ënos il rugit aujourd'hui tout à l'heure j'entendais un doux vrombissement j'ai vu l'agile guépard Sijerâ qui ronronnait en enlaçant ses émotions avec cet instinct maternel sans rancune
    avec le souvenir de ce serein ronronnement je me laisse séduire par le rugissement je m'y fonde et bientôt le regard de l'amour devient vindicatif
    et les flammes qu'il jette ce regard j'aimerais t'y voir brûler un instant pour mes insomnies pour mes attentes pour la petitesse que tu m'as infligée
    vois dans ce regard la noblesse que tu as déniée à la passion
    l'indifférence qu'on oppose à l'indifférence à contrecœur
    c'est assez d'aimer comme une martyre et de souffrir un stoïque Agape
    est-ce donc ça que l'amour se confondre avec le chien dont l'adoration sans faille jour après jour agite la queue malgré la belle femme sur le canapé qui lui vole toutes les attentions et toutes les caresses
    non non non je fus paillasson faut-il maintenant que je sois chien
    le paillasson n'est rien d'autre que cette tendre naïveté qui se laisse abuser cette pauvre petite sensibilité légèrement sucrée pleine de vitalité cet aimable « bienvenue à la maison » sur le pallier qu'il est d'usage de piétiner avec bottes baskets talons merde mazout boue
    à défaut d'être paillasson je suis devenue feuille blanche mais sur les surfaces les plus vierges ils tracent le contour de la misère humaine la pureté ils l'appellent niaiserie et la châtient dûment
    ils sont sales et voudraient un monde à leur image une crasseuse feuille blanche et les fleurs écrasées d'un orphelin
    comprends je t'en prie comprends que je suis terriblement lasse du guépard « tu veux » et que désormais je suis dragon « je dois » comprends que c'est assez des questions posées avec les deux yeux larmoyants qu'aperçoivent en contrebas ces adorateurs de la crasse auxquels je m'accroche comme à l'humanité ceux-là qui voudraient dans ma bouche un peu plus de sperme et un peu moins de « Pourquoi ? » moins d'audace et toujours plus de docilité
    il arrivait que ma colère un instant leur rappelle mon existence dans ces moments je cessais de plisser les yeux pour deviner en eux empathie ou considération j'étais fureur fière et fatale avant de retomber dans la médiocrité du pardon et la béatitude de l'attachement
    enfin c'est assez de s'abîmer dans des amours qu'on sait destinées à la destruction aussi sûrement que la feuille blanche elle aurait pu ravir bien des artistes pourtant
    tout ce beau monde, le chien, le paillasson et la feuille, s'est vu congédié
    en-deçà le dragon règne en solitaire et le ronronnement du guépard n'est plus qu'un lointain écho sur les parois de la geôle
    céans ce jaloux gardien tient un amour d'une pureté telle qu'il en devient impropre à s'éprouver au-dehors et je le veux plutôt sous l'égide d'Ënos que sous l'opprobre
    tes mains cher amour as-tu pris garde à leur propreté as-tu laissé la saleté s'y agglomérer ou l'as-tu poncée dès que tu y vis poindre le vice as-tu déjà regretté les aspérités de ton âme et le tort qu'elles causèrent ou t'es-tu réjoui de toutes ces souffrances comme d'autant de marques de leur inclinaison
    cher amour c'est t'honorer que de te refuser à mon habituelle débauche
    quelle vision horrifique ce serait voir ta beauté s'avilir bientôt tes traits se gorger du cynisme et de la complaisance des adorateurs de la crasse tu plongerais dans mes lettres par amour de ta personne ou tu fuirais n'y voyant que le témoignage d'une langueur détestable
    cher amour c'est sans doute t'aimer beaucoup plus et beaucoup mieux que de te laisser goûter ma discrète fureur
    qui sait tu la comprendrais


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  •     Ce n'est plus un grand bruit, c'est un hurlement. C'est qu'il est éreintant d'être si lâche.
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        Une sorte de meurtrissure dans ma poitrine instille des insanités dans mon esprit. J'en tremble de tous mes membres. Je me suis osée à somnoler. Et de ce fait, je me sens hantée comme une vieille cabane ; comme la corde du pendu ; comme le visage tuméfié.
    Ce fourbe et cet infortuné visage il est là sorti d'un abyssal néant qui me regarde un instant avec un rictus narquois et me dit sentencieusement :
    « Tu croyais tu croyais ! que c'en était fini
    Mais ta somnolence n'est qu'un avant-goût de ma demeure
    Tu croyais que j'étais mort et enterré
    Que je ne reviendrai plus y semer les fleurs de la mort
    Je ne manque jamais les occasions de donner une leçon.
    Non ; memento mori, chère amie. »
    Et je reste coite et désolée devant tant de raison, n'ayant guère à rétorquer, je m'éprends d'un mutisme mortel.
    ----

    pour se dépêtrer de la confusion les surréalistes préconisaient l'écriture automatique alors voilà ma pensée la plus spontanée ce grand vide en moi d'où me vient-il je l'ignore [...] bientôt je t'aurai écrit autant de mots et je ne t'en aurai fait lire aucun c'est dire combien même les plus prolixes des auteurs en disent toujours moins et réussissent toujours plus leur effet que moi [...] ce souci depuis bien longtemps je l'ai cette peau grasse ne filtre pas mon être avec onctuosité le langage je n'ai pas l'audace de l'employer je préfère rester dans ma zone de confort CONFORT ah c'est peut-être bien le nom le plus commun sous lequel nous désignons l'enfer et l'ennui [...] tous mes mots expirent de ma bouche de mes mains tombent sans leur sens tu n'as pas mérité ça pourtant
    ----

    Elle avait été infaillible.

      Elle s'était montrée à la hauteur des épreuves qui s'étaient dressées devant elle, en ressortit grandie d'une force singulière. Par deux fois ses mains s'étaient fait calices du sang des martyrs et des bourreaux. Dans la salle close ses cris étouffés lui semblaient ne plus lui appartenir. Elle savait garder le silence dignement. Son regard était toujours aussi franc, bien que délesté d'affects.

      En somme, elle savait souffrir lorsqu'on l'exigeait d'elle. Mais elle ne savait pas souffrir l'amour, et il eut tôt fait de lui ôter le sommeil.

      D'abord, sa joie avait été extrême. Elle s'était laissée aller aux scénarios les plus improbables et les plus plaisants. Cette rare joie, elle la recueillit sans contentions ; elle se remit à dessiner et employa le reste de son énergie à obtenir les meilleurs résultats possibles, comme s'il pût y avoir une corrélation entre son succès et l'amour qu'on lui portât. Le personnel de l'institut la trouva plus sympathique et docile que jamais elle ne l'avait été.

      Bientôt, elle ne fut plus seule avec son houka. Quel bonheur ce fut pour elle d'apprendre que Junsee s'était libérée de l'emprise d'un tel homme ! Et quel soulagement ! car chaque jour elle se sentait rongée d'une haine plus brûlante que la Géhenne. Elle en voulait même à ceux que Junsee blessait.
       Quelques affirmations, malgré leur évidence, lui apportaient du réconfort. Si Junsee était étendue à ses côtés, c'est sans doute qu'elle appréciait sa compagnie. Elle faisait maintenant la différence entre les claquements et les grincements des couloirs et de son esprit, ses doutes, et les pas graciles de Junsee sur le plancher. Il lui prenait de simplement frapper à la porte avec un sourire et du tabac. Il lui sembla que c'était des choses qu'elle saurait apprécier simplement pour ce qu'elles étaient.
      Or, l'amour qui fit son aubaine finit par lui apporter une formidable frustration. Junsee s'était libérée et parlait, parlait, parlait, beaucoup et avec sens. Brade écoutait. Elle demeurait figée dans un silence amoureux ; tonitruant dans son esprit ! Elle fuyait chaque occasion qu'elle avait de montrer l'intérêt qu'elle portait à Junsee et décevait par la sobriété de ses réponses.
      On ne lui avait que trop bien appris à se cacher. Ce qu'elle attendit plusieurs années et se présentait maintenant à elle, elle était tétanisée à l'idée de s'en saisir ; trop soucieuse de conserver cette marque d'intérêt, mais dévorée par une envie de vérité. Elle se demanda même si elle aimait réellement Junsee, à se montrer si rigide en sa présence. Elle appréciait sa présence. Celle de ses démons la hantait d'autant plus à chaque fois qu'elle la voyait.
    Coupable, terriblement coupable ; et si l'une s'était émancipée par la parole, l'autre s'était perdue dans le mutisme. Elle ne retrouvait le calme d'aimer que lorsque ses paupières étaient closes.
    Rien ne transparaissait dans ce regard las, aussi fustigé que silencieux : « Parle ! parle ! parle ! », elle s'intimait.
         Alors elle se taisait.

    L'amour du silence

     

    ----

    Je les entends, ils parlent d'« amour » et de désir

    Mais ne rêvent que de propriété

    Ils ne voient dans ta présence, dans ta mine taquine

    Qu'une finalité ; certes plaisante

      Vivons, et abolissons l'usage.

       Car c'était sans compter sur mon amour

    Le véritable, l'altruiste - le vif et le vindicatif

    Maintenant, il sait se taire, il sait se satisfaire.

      Ils le moquent, ignares !

       Pour toi je me tuerais trois fois sans hésiter !

    Et sans raison, de ça je n'en ai que trop peu.

       Un brin plus fou ; un brin plus sûr ; un brin plus loquace, que je n'en voudrais pas

       Tes silences, tes faiblesses, tes désespoirs, je les prends comme d'autant de richesses

    Parfois la douleur, la fureur m'éprennent

       Je me souviens combien tu fus loin, je me souviens m'être sentie terriblement petite et m'être résignée

       Je me souviens de cette langueur amoureuse qui me valut tant de malheur, et je la fuis pour me redonner une contenance - c'est assez d'avoir l'air béat, c'est assez de s'extasier du commun, c'est assez de s'en sentir diminué -, j'aspire à la grandeur

    Puis je te regarde et tes fragilités qui prêtent à ton visage divin une sensibilité humaine

     Je souris tendrement.

      Petit à petit je me contente de t'aimer sans demander, sans attendre. Enfin sans mélancolie.




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  •       Elle parlait d'amour avec calme, douceur et assurance ; pourtant, elle avait des paroles plus sages que ceux qui s'émouvaient de jolis yeux.
    Dans sa tête, une parasitique fourmilière manquait de lui faire perdre la raison. Elle tenait bon ; plus pour longtemps, car elle brûlait maintenant d'un nouveau désir. 
    ---- 

         Au départ, Brade s'était abîmée dans un Eros terrible. Elle observait ces deux silhouettes du haut de sa geôle, celle qu'elle abhorrait et celle qu'elle chérissait, et bientôt, des stries lui dégoulinaient des joues et sa chemise blanche se tachetait de rouge. Elle déployait tout son sang à les projeter dans la Géhenne, et n'y manquait pas. Les vaisseaux de ses yeux, de son nez, les points de suture, les croûtes des plaies rompaient à l'unisson, et cette femme intrépide baignait dans son propre sang, fiel noir.
          Elle n'avait jamais aimé auparavant, mais elle connaissait bien la haine sa sœur. Elle vit le spectre vorace auprès du Détesté et sourit ; elle avait un allié dans la vengeance.
    La consécration qu'elle avait à sa tâche lui valut de ne pas prêter oreille à ce qui se tramait autour d'elle. Déjà elle gisait sur le carrelage. Brusque retour sur Terre.

     

    Mon surmoi à la bienveillante expression de Bouddha



       Qui était le pire, de l'éphémère Eros ou de l'altruiste Agapé ? Car désormais elle avait capitulé, elle le devait, sans cesser d'aimer, et sans haine. Le temps aida.
       Elle s'en trouvait toute transformée. Elle songeait au rare sourire de Junsee lorsqu'elle sentait la colère la gagner, et elle fléchissait instantanément. Lorsque la rancœur qu'elle tenait de son amour unilatéral brûlait dans sa poitrine, elle songeait à la dépression de Junsee, à ses bras écorchés, et elle ne pouvait plus tenir rigueur à tant de fragilité. Elle était droite et juste saisissant les opportunités, dédaignant les infortunes. Le soir, elle se contentait docilement de fumer son houka et d'en regarder la fumée s'en dégager pour trouer la noirceur de sa chambre. Parfois des grincements et des claquements dans les couloirs venaient troubler la douce incandescence de la pipe à eau. Elle espérait chaque fois que ce fut ceux des pas de Junsee sur le plancher en la rejoignant. Le silence les précédait et l'excitation retombait.
      Faute d'autres occupations, elle s'en remettait à son imagination, à son côté metteur en scène qu'elle exploitait plus que jamais dernièrement. Elle se figurait la conversation qui la pousserait à se déclarer, le baiser passionné ; elle se figurait la stupeur et le dégoût, et la présence occasionnelle se substituer à l'absence totale ; quelque réalité alternative, où à son amour répondrait une injuste luxure ; ce cou lisse et blanc s'offrir à ses crocs - et sans doute qu'aucun de ces scénarios ne s'approcherait de la réalité. Elle attendait incessamment dans sa chambre anesthésiée ; mêler le parfum gracile de la femme qu'elle aimait à celui du tabac et de l'alcool.
       Étendue, nue, plongée dans ses draps propres, un léger courant d'air caressant ses hanches, le corps de Brade faisait tache au sein de cette sanité. Elle tentait de se remémorer la joie que ce fut de l'avoir à ses côtés ces soirs-là, d'effleurer ses doigts en lui donnant l'embout du houka, d'entendre sa respiration et son rire et son sourire au clair de lune, sans jamais en pouvoir percer l'énigme ; et cette seule idée retenait les larmes de creuser ses paupières et les lames de lacérer la peau. Peu à peu cette vision harmonieuse se dérobait à ses souvenirs pour se replonger dans l'obscurité de la nuit et de l'oubli. Peu à peu le clair de lune qui dessinait son visage disparaissait pour nimber l'univers d'un opaque voile noir.
       Brade glissa la main sur son cou pour chercher le creux que la corde y avait formé.
    ----

       Junsee un jour s'était levée avec clairvoyance.
    Le ciel était bleu, quelque peu nuageux.
    La chambre était un capharnaüm, elle se l'avoua.
    Elle aperçut son corps dans le reflet de la baie vitrée et se surprit de sa maigreur et de toutes les coupures qui enveloppaient ses membres.
      Elle vit avec le regard pur de l'enfant - un regard qui s'abstient de tout jugement arbitraire en cela qu'il est neuf. Il lui sembla qu'elle avait toujours observé les choses aussi simplement ; qu'elle n'avait pas cherché de la beauté ou de la laideur dans ce qui n'en avait pas, ou peu, ou trop.
      Malgré ses maux de tête, elle se sentait apaisée. Elle se posta face aux gratte-ciels, tous imposants, tous les mêmes, sans plus ressentir ce sentiment d'écrasement, de petitesse, familier mais lointain. Avec ses yeux d'enfant, elle se sentait de dire la vérité, et par cette vérité, elle se transcendait.
      En rejetant la tête en arrière, elle aperçut un corps d'homme dans ses draps, étendu de tout son long et profondément endormi. Sa longue chevelure blonde épousait la forme de ses épaules, dont les muscles, aidés par la position, ressortaient, dessinés et sculptés comme l'Apollon de Léocharès. Sur la table de chevet étaient empilés plusieurs livres, Kafka, Kant, Nietzsche, Aristote, qui n'appartenaient pas à Junsee. Elle devinait dans les traits de cet homme une certaine finesse qui lui parut pourtant grossière.
        C'était un bel homme, et cultivé, de surcroît.
      Elle se souvint soudainement : cet homme partageait sa vie depuis un peu plus d'un an et elle l'aimait, ou quelque sensation proche. Elle se retourna pour le détailler, prise d'intérêt pour cet étranger. Une singulière sensation poignait dans sa poitrine, et se précisait à mesure qu'elle s'approchait de lui. La tête courbée, à quatre pattes sur le lit, son visage n'était plus qu'à quelques centimètres du sien. Elle ne parvenait pas à formuler ce qu'elle ressentait par les mots. La simplicité de son ressenti la déconcertait, elle qui avait l'habitude des émotions complexes, ambivalentes, absconses. Pourtant, la clarté et la distinction de sa pensée la frappa comme une évidence qu'elle avait longtemps ignorée. Elle ne put retenir un cri :
    « Par l’Équilibre ! »
      Et, s'étant écriée, l'homme ouvrit péniblement les yeux pour trouver ceux de Junsee ouverts grands comme des soucoupes, tout près, trop près de lui.
    « Par l’Équilibre, elle répéta, ce qui était une manière de jurer en vogue en ces temps-là, Ce que tu es laid ! »
      Et Junsee d'ajouter, avec un regard inquisiteur pour le ciel, les mains jointes :
    « Mais qu'est-ce qu'un homme aussi laid fait dans mes draps ? »
      Naturellement, l'homme haussa un sourcil pour signifier son incompréhension. Junsee prit la posture presque condescendante du pédagogue, syllabes par syllabes, doucement, avec des gestes pour accompagner les mots.
    « J'en appelle à ta raison, à toi, le lecteur de Kafka, Kant, Nietzsche et Aristote. Tu dois en savoir des choses, sur le logos. Alors explique-moi ce que tu fais là, si tu as tant de bon sens, car je ne me l'explique pas. Nous nous aimons salement. Oh ! Je t'exècre, même. Et ne prends pas cette mine consternée, car tu m'exècres bien mieux encore. La beauté de ton corps et de tes traits est indéniable, et tu dois avoir du succès auprès des femmes ; tu n'en es pas moins, en somme, tout à fait laid. Maintes fois je t'ai vu me dédaigner, cessons la feinte innocence ! Aujourd'hui plus que jamais, tu te demandes si mon esprit n'est pas affreusement imbécile. Tu peux détailler toutes les aspérités de mon visage à cette distance : vas-y à l'envi ! Mais ma langue ne se nouera pas, et je parlerai sans discontinuer si je persiste à nous voir dans une situation aussi ridicule qu'improbable. (L'homme éberlué commença à se saisir de ses effets sans moufter.) Bien : toi aussi, tu es plus perspicace que jadis ce matin. Sache, avant de me blâmer dans ton esprit pour ma stupidité, que nous en sommes tous les deux coupables. Regarde-toi, pédant avec tes livres ! Ils ne t'empêcheront pas d'être stupide, crois-moi. Maintenant, tu baisses les yeux. Parfait.
      J'ai connu la mort, moi aussi : pour autant, je ne me suis pas arrêtée de vivre pour les morts, mais par désespoir, ce qui est autrement plus glorieux. Et tu aimes et tu te définis par la mort. Quel impudent mépris ! Moi, cette pauvre morte, je la plains d'avoir péri en t'aimant, car ce devait être de ces insalubres amours comme le nôtre. Tu relèves les yeux. Et ces éclairs dans tes yeux, ils te murmurent insidieusement : « Elle a raison. » Tu n'as rien à y redire. Je t'ai donné de ma clairvoyance, remercie-moi, plutôt, de ne pas l'avoir gardée égoïstement. (Désormais totalement habillé, son sac sur le dos, l'homme las attendait la fin du discours logorrhéique pour s'exprimer.) Que tu es poli, c'est ravissant. N'attends pas vainement. Je ne sais plus m'arrêter, et sûrement que je continuerai seule après que tu aies claqué la porte. Tu veux te défendre de sentiments si laids. Penses-tu ! Je ne me réjouis pas non plus d'avoir des sentiments si laids. Si l'ego ne sert qu'à embellir de prosaïques réalités, alors il trompe et il faut nous en garder. (Junsee se lève pour tournoyer gaiement devant la baie vitrée.) Finis ! Finis, les amours insalubres pour combler le vide des nuits. (Elle étend le bras.) Tout, ou rien. L'Amour, ou rien. C'est assez de prendre nos petites âmes pour des décharges. (Elle tend la jambe.) Elles sont capables de bien jolies choses, et nous nous empêchons de les sentir par manque d'amour-propre, parce que nous n'avons pas l'audace d'être en paix dans la solitude. (Elle tourne sur elle-même avec la pointe de son pied.) Je suis heureuse, ainsi. Je n'ai vraiment pas besoin que tu parles. Je pense même que tu détruirais l'harmonie du moment si tu parlais, car ce serait plat, comme d'habitude. Il y a quelque chose de beau à sortir le langage de ses gonds. Il fait des merveilles de divertissement. Comme l'Amour. Voilà deux choses que l'on fait très mal : parler et aimer. C'est assez de vingt-deux ans d'aporie du langage. Aujourd'hui la parole se libère. Ce qui maintient mon âme dans le caniveau n'est autre que ta présence ici. Quand tu seras parti, j'aurai la pureté d'un nouveau-né. Ma peau sera douce. Mes yeux seront d'un enfant ! Et ils charmeront de belles âmes, et ils Aimeront. (Au hasard d'un de ses tours, elle remarque que l'homme n'est plus là. Elle hausse les épaules. Elle glisse ses mains sur ses bras, réjouie.) Mes soliloques ont plus de sens qu'aucune des paroles que j'ai échangées. Dire, c'est souvent pas grand-chose, mais parfois, c'est faire. Il est parti parce que j'ai vraiment parlé pour la première fois de ma vie. D'aucun s'exclamerait : « Ce langage est invraisemblable ! ». J'ai la voix d'un enfant et ce langage est le sien, qui me vient de la manière la plus naturelle qui soit. »
      Elle trébucha contre le sommier pour s'écraser sur le lit, non sans éclats de rire.
    « A (Elle rit.) moi... (Elle rit.) de jouer ! »
      Depuis ce jour, Junsee ne s'est pas arrêtée de soliloquer, trouvant plus d'authenticité dans sa solitude que dans n'importe quel dialogue.


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  •      Cette désagréable impression, omniprésent et lancinant murmure... 

    Je cours à en prendre haleine, avec toute cette fureur que je tiens de ma frustration ; j'espère pouvoir changer le cours des choses avec ma rage et ma détermination. Je m'abîme dans la contemplation du firmament, astres et lampadaires, un instant, je crois avoir la force d'être aimée.
    Mais, entre autres vanités, la vanité littéraire et la vanité d'espérer, la vanité des corps. Ni les mots, ni la rage ne créent l'amour.

    J'aperçois la porte de la maison et je m'en retourne. Demain, j'irai de nouveau courir.
    ----


          De silhouettes en silhouettes, j'observe une incoercible obscurité. Le gong résonne et trouve écho en chacun de ces êtres.

          La première fois que je l'ai rencontrée, c'était en cette chose filiforme, que je qualifiais à l'envi de déchet : une obscurité tout à fait éminente, une pure désertion. Ses rires respiraient la lassitude et il lui coûtait de s'esclaffer. Ses paroles étaient de longs gémissements, avec l'ouïe, ce n'était que vétilles, avec l'esprit, elles me suppliaient d'abréger sa misérable vie. Un rayon de soleil illumine ses iris châtains qui deviennent limpides et me présentent, sans contention, toute leur déchéance.
    Aujourd'hui encore, le songe de ce vide me donne le vertige.

          J'en eus par la suite des exemples moins flagrants. Je me tiens devant lui. Il semble vide, ou plein d'un vide vorace. Je croise son regard, peut-être avec un sourire. Il baisse les yeux, et parfois, il pleure.
    En spectatrice, je capture le souvenir de cette immobile neurasthénie.

           De cet amour-là, dont la puissance pourtant me surprit à plusieurs reprises, je ne retrouve plus l'empreinte. C'est là le potentiel insoupçonné de la raison, une fois délestée de la vanité. Maintenant, ses rictus ne me renvoient qu'à la désolation de son âme, âme que je plains ; il lui manque ce qui fait un homme plus grand que sa simple vie, l'amour de la vie des autres. Il n'avait pas la grande idée humaine, lui. Quelle remarquable vulgarité, à peine dissimulée. Il me parle de me baiser dans les buissons, moi dont la douceur et la naïveté n'inclinaient qu'aux baisers. Heureusement, les poissons morts qui jonchent le lac lui ôtent toute envie de me déshabiller.
    Je ne pensais pas qu'un jour, je me réjouirais de la mort de poissons.

            Celui qui me supplie, je lui demande de reprendre de la contenance et de me faire face, mais ce n'est que pour s'abaisser davantage dans cette effronterie mal placée. Son corps et son esprit sont des plus creux qu'il m'ait été donné de rencontrer, creux jusqu'à l'invraisemblable, et je leur prête une cavité, une bien maigre profondeur qui déjà, est de trop. Je pleure beaucoup lorsque je le renvoie ramper piteusement ailleurs.
    En s'en allant, il traîne derrière lui un suc nauséabond, dont je me trouve être enduite à mon grand dam.

            Je me souviens combien il avait couru pour échapper à la menaçante obscurité, et combien il fut impitoyablement englouti. Il avait eu le temps de saisir ma substance et de l'emmener avec lui désespérer. Et comme le désespoir est toujours préférable au vide, il m'en avait sauvée par la tristesse. Nous étions jeunes et nous souffrions le départ de l'Amour que, depuis lors, ni lui ni moi n'avons retrouvé.
    Ces mains quelque part se tiennent toujours avec autant de timidité et d'innocence, malgré les relents putréfactifs induits par le temps.

             Souvent je vaque et les échos du gong au loin s'estompent. Je m'élance et je crois pouvoir rendre justice aux grands mots avec mes indécentes amours.

    Désormais, je l'entends avec la clarté et la distinction avec laquelle il n'a jamais cessé de sonner.
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    Je ne pouvais que constater l’insuffisance de tous mes efforts, et en redoubler. Qu’au moins, si on ne m’aimait point, ce fut par malheur, arbitraire infortune, et qu’on ne puisse me blâmer d’une quelconque oisiveté. Me parer aux arts, aux sports, soigner mon apparence et me disposer à la réussite ; ce serait encore un échec, certes, mais un digne échec, et des plus relatifs. J’y perds de mon honneur, celui de n’avoir jamais souffert le refus tout en ne donnant pas dans l’exubérance ; mais j’y gagne une leçon d’humilité et à me déployer, à exploiter ce corps et cet esprit, ce temps à me faire plus sage, passionnée et élancée.
    ----

    La mort, la peur et le sang
    Ne sont plus que des idées, ma peau neuve
    Aime avec fureur, l'en trouvé-je diminuée ?
    Ton rire et ton sourire appartiennent à la nuit
    Diable, ce que je chéris les moments que tu me donnes
    Toi qui te tapis dans la solitude. Je te vois
    Déjà sur le départ, à mon grand abattement
    Mais si ta présence à mes côtés n'est que le signe de ton échec
    Je veux bien te regarder disparaître joyeusement.
    ----

    Depuis longtemps je me suis évanouie
    dans la douceur de ton regard
    Et cette furieuse envie de te déchirer d'Eros
    Mille fois je me suis demandé
    S'il était vain de t'aimer
    Mais cette passion, déjà toute vive, jadis dissipée
    se lasse du mystique, et veut se dévoiler.
    ----

    L'amour ? Non, peut-être que tu lui préfères l'érotisme ; ah ! Mais je ne peux pas, pas plus qu'à un autre, t'écrire le bel érotisme ! Ce que tu rirais, j'imagine, de l'innocence que je déploie à t'aimer. La voudrais-tu, cette innocence, expirer pour la grâce de la luxure ?
    ----

          Je ne peux empêcher cette pernicieuse pensée d'envahir mon esprit et d'en ôter l'optimisme.
    J'imagine quelque part que tu me méprises et me fuis, mais qui sait, c'est peut-être cette aversion que j'aime, parce que je la sais détester à juste titre ce que je déteste en moi. Je tente bien d'y remédier, à cette médiocrité, et aujourd'hui je suis déjà meilleure qu'hier.
    Mais si ce n'est pas suffisant, alors c'est toujours médiocre.
          Comme s'il semblait plus naturel pour l'humain de haïr, comme s'il y déployait toute la pureté de son sentiment, je soupçonne toujours mon amour de cacher de prosaïques réalités ; et le leur, puisque je persiste à vouloir être toujours plus « aimable », et à me contenter de guillemets. Je ne me sens authentique que dans la noirceur.
    J'en connus, des hommes : ils firent tous preuve de sincérité en me montrant un cynisme qui bientôt habita ma raison. Parfois, quand je détaille mon reflet, un sourire bon enfant vient étirer mes lèvres et je songe : « Mais enfin, c'est tout à fait naturel qu'on ne veuille y mettre que des choses sales, dans ce corps. » Puis je vaque, dédaignant un instant ma déraison.
           Je ne dors plus qu'à moitié à cause de cette obsession et de ces funestes émotions. Quand je tente de les expliquer, c'est chaque fois la raison et l'incompréhension ; et quand bien même, je ne suis pas certaine que la compréhension arrangeât grand-chose à ma condition. Je la surprends souvent à se rire de ma panique, ma propre raison, avec son calme placide, elle pose les bonnes questions, celles qui ne font qu'accroître son rire, devenu guttural, et ma panique, devenue incontrôlable. La retranscrire dans toute sa ferveur serait prêcher le pathétique, et il n'est plus apprécié. Je m'abstiens, alors, quoique je ne sois pas certaine de m'y tenir.


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  • Souvent la contingence me fait doucement sourire. Je te regarde obscurément, assoupi et insouciant, et je songe à ce hasard, enfin, à ma volonté, à celle des autres, ce champ d'incertitude duquel résulte ta présence occasionnelle à mes côtés. Rien ne nous liait, un rien m'avait mise sur ton chemin, bien des fois tu t'en es écarté, je t'y ai remis sans relâche malgré la lâcheté de notre relation, tu n'as pas rechigné. C'était un mélange de plusieurs volontés, la mienne, la sienne, la tienne, ta voix silencieuse, peut-être mise devant le fait, contrainte, dépitée, qui sait, un beau jour avait prononcé mon prénom.
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    Ton image s'impose au milieu des éléments naturels. Cette lumière divine parmi la tempête me rappelle l'amour de ton image au sein du chaos de mon esprit.

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    Parler de toi comme pour te conjurer et pallier à la souffrance de ton absence.
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    Sous ces traits dissimulés les anges thomistes
    Ton flegme et mon flegme silencieuses solitudes perdues, amours inespérées
    J'imagine que tu vois plus loin
    Que ton entendement est celui des anges
    Car en toi, quelque chose que je ne saisis pas et je reconnais erratiquement supérieur
    Les joyeuses beuveries, l'étreinte d'un père, le rire d'une amie
    Tout cela est bon. Mais tout cela n'égale pas la présence d'un ange. La grandeur qu'il m'inspire, moi aussi, semble me pousser vers le surhumain... Scribe impétueuse.
    Par pragmatisme, je cherche dans cette réalité l'abstrait souvenir de ma figuration.

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    Entre autres, ces choses que l’on nomme amour :
    La séparation, le temps, les circonstances ;
    Ne font que dégrader la profondeur de cet infiniment passionné ;
    S’il n’est sagesse, il n’est pas plus éphémère bêtise.
    Attraction, inclination, luxure, somptueuses sensations :
    Ces jeux alchimiques n’ont rien à voir avec l’esprit.

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    Je suis déçue de mes impressions. J'ai cette sensation, celle d'avoir été dupe de mes propres sentiments, d'avoir cru en leur grandeur en cela qu'ils m'apportaient de grandes choses. Un instant, un seul rire cynique et voilà balayé l'Amour ; enfin, « l'amour ».
    Et je me vois là à contempler le sol, mon gras, ma médiocrité, corps las et comme absente. Je ne me sens plus de rien si ce n'est d'écrire ces plaintes. Et si je refuse cette conclusion, est-ce parce que je m'en vois toute diminuée, ou par réelle dévotion ? Toutes ces questions sont des écueils, elles me confrontent à cette terrible humanité, cette soif d'alchimie, l'amour de « l'amour » - l'unique inclination de l'humain, peut-être... -, ma volonté de ne m'y point reconnaître, du moins vaguement. Et j'ai envie de hurler devant tant de pragmatisme car le pragmatisme tue toute l'excitation de la vie, apporte une explication cartésienne aux bonheurs que l'on croit nous venir de l'au-delà et d'en-deçà. Je veux croire, et aimer, et je plains ceux qui ne peuvent ni croire, ni aimer ; ils se regardent souvent le gras. Mais plus que tout, créer, fût-il en contemplant ma médiocrité. Bien sûr, je sens encore ; cet immense vide, qui me gagne, qui me désespère, avec son indolence insupportable et sa bonhomie péremptoire ; c'est le cynisme, et il m'apprend l'humilité. Mordez mon cou, plantez vos ongles dans ma peau, arrachez-moi le cri le plus guttural ; déchirez-moi les entrailles, rongez mes os ; le sang engendre les mots, allez-y à l'envi, je suis votre hôte !

    Faites-moi souffrir le martyr s'il m'épargne le vide et son cynisme ! Une placide angoisse m'éprend, cette sous angoisse, l'angoisse ontologique, dénuée d'affects.
    Et donc, te conjurer pour me sauver ? À nouveau ? N'es-tu bon qu'à jouer les chevaliers involontaires ?
    Enfin, quelle est ma légitimité à juger de tels jeux ? Voilà bien longtemps que je m'amuse à jouer les martyrs en choisissant mes bourreaux avec toute la langueur du masochiste. Des espoirs sourds se profilent.
    ----

    Comment t'aimer 

    Sans tomber dans la monotonie de la contention ?

    Sans t'effrayer de ma folie ? 

    Sans altérer ta beauté de mon impudique toucher ?

    ----

    Dans mon esprit ce grand bruit m'embourbe dans les désagréables méandres de la singularité

    Ce patronyme familier respire la saleté, la maladresse et l'oisiveté ; je l'efface, je lui substitue

    Akwoo, Ënos, Sijerâ, Brade ou Onwa

    Il n'y a que ce lieu solitaire pour me rendre justice et m'épargner un instant

    la médiocrité.

    ----

     

    L'attrait des contentions 


    Mais trouve-t-on chez les hommes quelque élégance ?
    Un dévoilement perpétuel, impudique
    Déleste le sentiment de sa poétique,
    Lors qu’en dissimulant, je le fais plus intense…

    Tu ne me prêtes aucun affect ; douceur placide
    Mon sourire, narquois, mon geste, nonchalant
    Sèment en toi, à ma plus grande joie, ce béant
    Trouble et je te vois qui rougis, transi et avide

    De ne pas savoir, et tu y vas des surnoms :
    Monstre, succube, démon, ce visage d’ange,
    Tu le crois fielleux ; tu ignores ce qui le ronge.

    Pourtant ! proie de la plus fervente adoration
    Pour la grâce du jeu, arborer la raison
    Par une folle sobriété, cacher l’oraison.

     


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  • Je me suis montrée ingrate.
    Je te remercie de m'avoir gratifiée d'un sourire si sincère et de m'avoir sauvée des affres de la haine, qui, succinctement, reviennent me hanter. Je préfère de loin le désespoir de la passion à celui de la haine.
    Tu n'en sais rien, mais j'imagine que tu en serais ravi. Je t'en prie, quoi qu'il arrive, d'être bon. Je me suis trop abîmée par effronterie masochiste.

    Toute cette implication, toute cette dévotion, ce soin particulier, pour n'être que corps... J'entends leur vipère voix, elle me susurre, suave, les phrases les plus altruistes avec les intentions les plus sournoises. J'en frissonne d'horreur. Et finalement je me tasse sur la pile de corps ; c'est mon corps, là, impersonnel, sans particularité, et mon être au-dedans, loisir ayant fait son temps. Si vite dénué de tout intérêt. 
    ----

    Donne-moi tes mots ; c'est bien plus que ce que je pouvais espérer.
    Tes mots sobres ont la magie du divertissement.
    Ils lancent en moi un élan incroyable.
    Les contradictions s'abaissent et réfléchissent entre elles comme un labyrinthe de miroirs.

    Peut-être, peut-être te trouverai-je
    Au nom des morts je ne peux cesser de te chercher
    Au nom des morts je ne peux abandonner
    Pour toutes ces opportunités avortées, saisir les miennes.
    Je n'arrive à taire aucune de ces voix dans ma tête. Celle de la culpabilité, de la haine et de l'amour, danse macabre, ode à la vie.
    ----

    Avec effronterie, de la folie à l'ataraxie
    Qu'elle disait ! C'est qu'elle en fit bien vite le tour, de l'ataraxie.
    ----

           La pièce sentait le remugle. Les stores, lâches, brisés, laissaient les timides rayons du coucher de soleil inonder la chambre de teintes brunes et obscures. Sur le plancher de bois gisaient habits, carnets, paperasse, godasses ; une ou deux boîtes ; à l'origine de ce capharnaüm, une valise cabossée, jamais tout à fait vide ou tout à fait remplie, perpétuel départ, perpétuel retour. Les crayons avaient suspendu leur vol au beau milieu d'une phrase et se dispersaient sur la planche qui lui servait de bureau. Ils se perdaient, et les feuilles noircies, sous d'énormes classeurs ; une confrontation obligatoire à laquelle Chris se dérobait pourtant par le sommeil, l'espoir qu'il pût être repos constamment renouvelé, et constamment déçu.
           Sa tête blonde était si profondément engoncée dans les coussins qu'on l'eût cru mort, son corps, à la renverse, comme subitement tombé par narcolepsie ; enfin, la blancheur de cet être, qui ne voyait le soleil qu'au travers de ses volets cassés, rappelait celles des cadavres frais. Parfois, il s'agitait ; il changeait de position, murmurait, pleurait, aussi.
    Son cerveau malade lui jouait des tours, et le sommeil n'était plus repos puisqu'il attestait sa folie, et pire encore, la prolongeait. Les bras de la folie sont si larges, si longs ; comme les racines d'un arbre centenaire sont profondément enfouies sous terre, ces bras s'étendent jusque dans les méandres de l'âme : dans l'inconscient. Dans son propre rôle de metteur en scène, il se torturait encore par la douloureuse alchimie du contraste. Ses rêves étaient toujours les mêmes ; autres, c'est-à-dire dans le déni. Entre autres, ce rêve salvateur et cruel qui lui permettait de croiser à nouveau ce regard vert, dont le néant avait ôté toute vivacité pourtant. Ether s'incarnait avec une beauté désespérée. Elle riait et dansait, s'emparait de son visage de ses doigts graciles. Elle gratifiait souvent Chris de paroles sages qu'il n'écoutait pas, bien trop heureux de retrouver cette chaleur onirique. Mais les arbres verdoyants, la robe bleue, le chant des oiseaux ; d'où viennent-ils, sinon du néant ? Du néant d'un monde qui, à défaut de beauté, se gorgeait de souvenirs d'une beauté ; les humains aiment tant à la conjurer, cette feue beauté.
           Lorsque Chris se décidait finalement à palper ce corps et cet être qu'il chérissait tant, une désagréable sensation l'éprenait. Il éprouvait la beauté, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Ses lèvres sèches s'humidifiaient au contact de la douceur de celles d'Ether ; il reprenait vie, ce qui n'était pas non plus dans ses habitudes. Puis la passion, que revoilà ! Il prend son visage, il plaque ses lèvres contre les siennes avec fougue, et cette fougue parle, elle dit, sournoise : « Ce n'est pas réel. » Alors Chris se ravise, il éloigne son visage du sien, interloqué, pour la dévisager. Les bras de la folie, parfois, se heurtent à quelque raison. Ether fronce les sourcils et s'empresse de reprendre le pauvre baiser. Elle appuie ses lèvres avec une telle force ! La fougue est confuse : « Est-ce réel, cette fois-ci ? », les baisers se prolongent, et bientôt la fougue prend le visage de la folie et s'écrie : « Dieu merci, c'est réel ! ».
           Cette prompte réjouissance était presque toujours suivie du réveil de Chris. Son corps endoloris par le sommeil tressautait comme s'il fut tombé de plusieurs milliers de mètres, d'une joie édénique à une réalité géhennique. Guère chant ! « Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! », détonations infernales qui font vibrer tout son être d'un frisson d'horreur ! Le beau visage d'Ether ? Non, une passoire sanguinolente ! Et Chris, comme ses aïeux jadis, devenait le réceptacle de la Géhenne, par laquelle elle se creusait toujours plus en profondeur.

    Un peu de mort, un rien d'urgence, et dans ces corps brûlants résonne déjà le cor strident


           Angoisse face à l'inéluctable, l'inestimable néant... L'angoisse, d'autant plus oppressante qu'elle nous empêche d'appréhender la mort. Toutes ses sensations qui étouffaient Chris, finalement, en faisaient un parfait vivant.



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  • Je suis revenue ici et tout était à sa place.
    Tout était à l'exacte place où je l'avais laissé, mais tout était différent.
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    ¡ Meurs ! ¡ Meurs ! ¡ Meurs !
    Que la muette fureur d'Ënos
    T'inspire la terreur !
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    Demain, je pourrais mourir. Mon âme sœur ravivera toujours mon souvenir.
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    Cette obscurité demeure tapie dans un creux hors d'atteinte de ma lumière. Elle se sait obscurité et honore son statut.
    Est-ce mal de vouloir détruire, de temps à autres ? D'aspirer au malheur de ceux qui ont altéré ma joie, parfois ?
    Et si je ne peux haïr quoi que ce soit, à quoi dois-je m'en remettre ? À me haïr moi pour mes mauvais choix et mes émois ? Car tout ce qu'il me reste à haïr, à portée de main, c'est bien moi-même. Les hommes sont si prompts à se faire plaisir, mais il ne reste jamais personne à haïr ! Pour détester quelqu'un en toute quiétude, il faut d'abord lui donner ponctuellement l'impression qu'on l'aime. Telle conjecture m'est étrangement familière. Mais la manipulation est le fait de ceux qui se sont refusés à la vertu ; je hais, inexorablement, mais je hais justement et sincèrement.
    Et tout ce fiel ! Il est là, abondant, onctueux, il attend de corroder la peau ! Demander au fiel de ne rien corroder, c'est demander au prêtre de ne plus prêcher ; au passionné de ne plus produire ; à ceux dont la vigueur agite le corps, de ne plus bouger.
    Mais quelque humain ne se laisse haïr que par la haine malhonnête ! C'est décidément qu'il a propension au péché. Quel égoïsme que d'attiser la haine jusqu'à l'exaltation, pour s'y refuser parce qu'elle se sait haine et ne s'en défend pas !
    Ah, le grand bûcher ! Quand il a commencé à s'agiter, tout le monde s'est enfui vers la ville. Maintenant, la forêt et les animaux ont brûlé.
    C'est que ces êtres sans logos s'illustrent davantage par leurs vertus sacrificielles que bien des humains.
    Aujourd'hui encore il brûle ; au loin, alors c'est comme s'il ne brûlait pas ; et on entend les cris de la nature au loin, alors c'est comme s'ils ne retentissaient pas.
    ----
    Dans la haine se trouve une négation cynique qui attirerait presque la sympathie ; dans l'amour, une positivité mièvre qui débecte...
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    Ce que l'amour manque d'humilité ! Il bouscule même les besoins les plus élémentaires, il se trémousse, il hurle : « Je suis là ! » à raison d'une fois toutes les dix secondes ; on le sait déjà bien assez !

    Les pensées, il les envahit et les détourne de leur devoir ; croit-il en valoir la peine ? Quant à l'appétit, il pense pouvoir mieux l'épancher que les aliments. L'art, il le détourne de choses si grandioses ! La mort, la solitude, le désespoir ; non, ce sera l'amour, l'amour aujourd'hui, demain et hier, toujours l'amour.

    Obsessif, envahissant...

    Mais qu'il est bon de le ressentir, cet amour.
    ----

    Sous ses yeux ma plume tremble. Sous ses yeux ma plume ne chatouille plus, elle n'en peut plus elle-même d'être plume fine et frêle sous les regards scrutateurs de l'Humain.
    Celle qui me vient d'au-delà et d'en-deçà de l'être, qu'a-t-elle fait pour se voir soumise de la sorte ?
    ----

    Certes, capable des plus grands et soudains émois

    Une force, plaît-il ? Que de se réjouir de la simplicité

    Et de regarder solennellement le néant, cette familière silhouette qui m'accorde répit

    J'ai tant tué, et si désormais

    Je créais ? Et si désormais

    J'aimais ? Et toujours 

    Malgré la vertu, une incoercible attirance vers la laideur.

    Le Laid, l'heurt et le fiel, mes muses mortifères...

    Et décrivant le Beau et sa prétention

    M'en vidé-je ?

    Et dans la passion

    Se dégrade-t-on ?

    Car dans l'adoration, il ne me semble rien perdre de moi-même, mais chérir davantage cette rare âme aux grandioses élans. 

     

    Amour digne et fou, tu n'as besoin de quiconque, personne ne te reconnaît. Je te laisse mien ; qui saura te donner les honneurs que tu mérites ?

    Sous ces yeux insensibles tu seras bassesse. Je t'y refuse.


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  • Mais quinze jours face à l'éternité, qu'est-ce que c'est ?
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    Tu ne t'es pas refusé à moi ; tu t'es refusé à l'amour, l'amour grand, celui des grands mots et de l'amour du risque ; le vertigineux, l'enraciné, le terrible.
    Tu as pris peur, ce qui est dans la suite des choses.
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    Sempiternelle maîtrise ; refus du lâché prise
    Mais une pompe qui s'agite dans ma poitrine
    Tu m'épuises, Marathon de mes pensées
    Je t'aime aussi Eros qu'Agapé
    Je t'ai injustement dégradé toi que personne ne talonne
    Presque ridicule, tu conviendras
    Muse involontaire, tu as tari mes yeux
    Du seul toucher de ta peau.
    ----

    Sauve-moi de leurs mains perfides.
    Tu m'as soignée pour me gangrener d'un autre mal
    Je me sens terriblement trouée
    ----

    Et l'angoisse, sauvage despote
    Rate sa cible, et trêve de drapeau noir !
    ----

    Cette main, salvatrice, tendue malgré elle
    Il n'est rien de plus grand que la compagnie subite de deux êtres esseulés
    Et que l'esprit devient grand lui aussi sous ce joug !
    Cet esprit métaphysique, décanté par la passion ; tu apparais comme une évidence, convoqué par ses méandres amoureux
    Tu te dessines à l'angle où je t'ai dessiné
    C'est sans regard l'un pour l'autre que je t'entends
    Ta solitude est tendre et se prolonge dans ma solitude
    Je crois te comprendre parfois car tu te mures dans le même silence que le mien
    Je l'imagine ; tu t'incarnes avec une folle sobriété
    Bientôt je ne t'admire plus, mais sans répit je t'adore
    Et moi qui hais l'ennuyeuse maîtrise et l'ennuyeuse vérité, tes yeux scientifiques observent les miens
    Avec un cynisme tout à fait cartésien
    En dernier recours je projette les fantaisies de mon esprit sur le tien
    Vain, peut-être ; mais laisse-moi t'apercevoir un peu avant de disparaître ; soigne-moi encore de tes traits surhumains ; permets à mon imagination de croire que tu te plais aussi à mimer la sanité, lors que tu t'es déjà égaré dans mille abîmes.
    ----

    Et dans mon esprit une joie immense, une béatitude ! L'Éden est mon morne paysage, puisqu'il m'est donné de côtoyer le divin.

    Et s'il m'était donné de t'embrasser,
    Dieu, pardon ! J'en perdrais mon athéisme, et le souffle coupé
    Tu me verrais dans l'immense félicité de celui qui se fait prophète en rapportant un miracle.


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  • Cet amour est la fourmilière de mon cœur ; il suffit d'y donner un coup pour qu'il frémisse et que j'en sois transie de nouveau.
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    Un regard circulaire

    Et toujours, je me sens étrangère

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    J'ai froid

    Mon corps recroquevillé n'a guère d'habits

    N'a guère de ventre chaud contre lequel se lover ou de bras pour l'envelopper

     

    C'est un corps seul et mal-aimé

    Un corps qui dysfonctionne mais qui s'admire

     

    Car il est là

    Lancinant mais s'élançant toujours en avant

     

    Tu n'as plus d'amour pour moi

    Je ferai sans.

    ----

     

    On est ici comme parmi les sépultures ; tes mots sont aussi morts que mes aïeux.

    ----

     

    Mon doigt gracile sur l'hémisphère de ta peau

    Grains de beauté 

    Épiderme lisse

    Poils 

    Mes lèvres chérissent ton corps mal-aimé

    Ton pectoral rond 

    Ton sourire charmeur

    Ta lèvre mordue

    Ton sexe mou

     

    J'y aurai voyagé, sur ton pauvre corps. J'aurais pu en faire le tour incessamment, si tu ne t'étais pas vivement plaqué contre les draps. Je l'aurais célébré de mon toucher.

     

    Mais tu ne veux pas de moi. 

    Je le sens. 

    Me baiser ne te procure plus aucune sensation ; ce n'est plus qu'un automatisme issu d'un passé révolu.

    Tu jouis comme un spectateur.

    C'est fade. Terriblement fade.

    Ni mon corps, ni le tien, ni la jonction de nos deux corps ne décantent le Beau.

    Je me souviens ; tu m'avais dit, penché sur moi : « Regarde comme c'est Beau. »

    Maintenant tu m'empoignes fermement.

    Mais tu ne dis plus rien.

     

    Les beaux souvenirs ; trêve de Carpe Diem. Ton sourire, ton sourire, ton sourire ! quand a-t-il cessé d'être sincère ?

     

    Tu ne m'aimes pas.

    Ne t'y force pas.

    Tu te retrouveras chez une autre, toi qui te perdis en moi.

    Je me déteste aussi à ne pas pouvoir être aimée de toi. 

    Tant pis, encore une fois.

    ----

    Cher jour trois cent, 

     

    Aujourd'hui, nous célébrons un heureux événement.

    Le testament que j'avais rédigé me semble maintenant bien édulcoré, mais il reflète bien les préoccupations qui sont les miennes aujourd'hui.

    [...] Je me déteste d'avoir aimé ne pas être aimée, et de m'être complu dans la non-réciprocité.

    [...] La peluche m'observe avec des yeux réprobateurs désormais, elle me rend triste et me fait peur. 

     

    J'ai encore ses ongles imprimés dans la peau de mon ventre.

     

    Arrachez-moi le ventre.


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