• Poème en prose écrit en cours. Comme quoi je sais être productive quand ça prend aux tripes ! Merci à Jésus et Baudelaire pour leur inspiration. 



    La trahison exhale des relents de chaire en putréfaction ; c'est la mort d'une époque

    (Artiste : Xhxix ; Personnage : OC) 

     

    La trahison exhale des relents de chair en putréfaction ; c'est la mort d'une époque


     

     

    J’ai érigé ma gloire sur les Abysses du mensonge
    J’ai transcendé mon âme dans la vertu,
    lors qu’on lui préfère le vice
    - Bienheureux les simples d’esprit,
    car le royaume des cieux est à eux !
    Bienheureux les affligés,
    car ils seront consolés !

    Adieu la frivolité,
    adieu l’amour mielleux et malsain ;
    Adieu l’encéphale atrophié,
    dont on extrait la substance sentimentale !
    Ma fortune ne demeure guère céans
    que dans la dépravation !

    Les marasmes exhalés,
    ma jeunesse recouvrée
    L’aboutissement du syllogisme est tel
    qu’il n’est pas d’Homme plus passionné que l’Artiste !


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  • Je n'oublie pas  mon cher blog ! C'est un soupçon de flemmardise, mais surtout un manque de temps, mais les idées sont là et des articles sont en préparation.
    En attendant voici le texte d'introduction à un Role Play que je fais avec une amie !  J'ai laissé la numérotation pour apporter en précision - c'est essentiel dans le cadre d'un role play - , libre à vous de vous en servir !

    Je vous laisse le lien du google doc, c'est plus agréable à la lecture : https://docs.google.com/document/d/1kh3smCphxf9k9QLYKqJCpORv_NdUTBiBj2BoXAkC9Z8/edit?usp=sharing

    Je laisse ici la musique qui m'a inspiré Karma, "Karma City" de Kenshi Yonezu, de son album Yankee (que je trouve génial) ♥

     


     

    Karma City : texte d'introduction à un Role Play

    (Work In Progress. Fait avec ma tablette medium intuos pro. Drug Utzich sur un échafaudage de la partie haute de Karma)

    Le zénith du soleil inondait la cité. Son legs traversait la baie vitrée, que des volets rouillés et ébréchés tentaient d'obstruer.

    Utzich de son prénom Drug, plus par prévention que par paranoïa, avait choisi d'adopter le sommeil polyphasique¹. Lors même que le courroux du soleil chatouillait furieusement sa rétine à travers son chapeau de paille, ses ronflements ne baissaient pas d'intensité. Sa colocataire et amie Hehet Médjès  jouissait davantage de sa surdité en constatant la grossièreté de ses traits lorsqu’il entrait dans sa phase de sommeil paradoxal.

    Ses récentes activités, malgré sa discrétion vétilleuse - il allait jusqu'à recouvrir ses singuliers yeux violines de lentilles brunes -, lui valaient d'être recherché d'arrache-pied à travers les hauteurs de Karma par cette même élite militaire dont il était le tireur. Il avait été amusé à plusieurs reprises de partir à sa propre recherche ; il le fut moins quand ses missions consistèrent à démanteler ce à quoi il s’était démené plus tôt.

    Quoiqu’inaliénable pécheur de la paresse, Drug avait fini par se lasser d’être le servum pecus de l’adjointe au seigneur régional et générale Onwa Moonrise, attitrée Ahmès, littéralement « née de la Lune ». Ahmès s’était finalement avilie dans la corruption, mettant ses dons de Modérateur² au service de l’ordre défectueux de Karma : cet ordre qui régnait par l’inique commerce d’énergie spirituelle³, lequel laissait libre cours aux pires dérives possibles et imaginables. Les animaux et les enfants étaient devenus des mets très prisés du commerce illégal d’énergie spirituelle  - et combien de fois des acheteurs compulsifs avaient dû disparaître⁴ jusqu’à ce que leurs achats ne leur provoque plus aucune satisfaction…

    Drug, féru de diverses cultures, étudia scrupuleusement la sociologie : « Cette société est victime d’une pathologie, son taux de déviance est au-dessus de la norme du pays ! pouvait-on l’entendre clamer, l’index tendu, lors de ses élans ʺd’intellectuel égocentriqueʺ, ainsi qu’il les appelait, Même moi je suis déviant, pour te dire… » soupirait-il ensuite en arborant son éternel rictus et en haussant les épaules.

    Drug ne s’était jamais complus dans ce qui était droit, formel, nettement défini ; il y préférait le caractère abscons, erratique et irrationnel des choses. Ainsi revêtait-il le jour son caftan⁵ cobalt⁶ à l’héraldique⁷ effigie de Karma : le phénix argenté, cerclé de roses bleues, aux confins spiraliformes vertes et noires ; le soir, il optait pour une capuche, un saugrenue instrument qui lui faisait tant office de grappins que de lames, et des bottes à crampons – son faible pour le style steampunk l’avait poussé à designer tout spécialement une tenue,  ce qui ne manqua pas d’alimenter les commérages des journalistes, bien qu’elle ne fut qu’entrevue lors de ses activités diurnes.

    *

    Le jeune homme mit fin à sa sieste avec une précision d’horloger. Il prélassa ses doigts dans sa blonde chevelure mi-longue : hirsute, elle lui conférait un air léonin, qu’il s’ôta de suite en la brossant avec vigueur. Il enfila ensuite son caftan et noua ses cheveux en chignon.

    Dans la pièce commune, Hehet était déjà attelée à son métier de couturière de luxe : il n’y avait qu’elle – et lui dans son sommeil polyphasique - pour supporter le charivari de sa machine à coudre.  En effet, la jeune femme souffrait d’une très mauvaise audition et de mutisme. Comble de l’infortune, des voyous lui avaient dérobé son appareil auditif à son arrivée à Karma, ce qui la mettait dans l’incapacité de jouer du violon. Drug lui avait promis que, grâce à ses activités nocturnes, il pourrait lui racheter un appareil auditif et l’entendre de nouveau jouer du violon. Aussi était-elle l’unique personne au courant de sa double identité, et celle qui avait rendu son projet de tenue réel.

    Drug n’apercevait que ses dreads rousses et ses atébas derrière l’imposant mécanisme, ce qui n’empêcha pas la demoiselle de détecter sa présence. Elle releva la tête pour le gratifier d’un sourire. Au début, ses yeux fins - légèrement cachés par sa frange rousse – et son nez aquilin lui étaient apparus quelque peu disgracieux, mais, tout compte fait, il trouvait son visage très expressif, ce qui l’inspirait et l’émouvait.

    Quant à Hehet, elle trouvait le regard de Drug déconcertant : si ses traits - et notamment ceux de ses yeux  - étaient doux, d’une candeur de cervidé, il n’y changeait rien au fait qu’il mettait avec aisance les autres à nu, et que, si sa physiologie lui avait permis de rougir, il l’aurait surprise écarlate à de nombreuses reprises. Elle le garantissait : elle n’était pas la seule à pouvoir attester de ce phénomène d’intimidation.

    Drug plaça le croissant que Hehet avait préparé pour lui entre ses dents et lui fit un clin d’œil impudique accompagné d’un signe de la main avant de mettre le pied dehors, tel un chapardeur félin.

    Une bourrasque l’accueillit, agita sa toge, et, comme il aimait le risque, il se posta sur l’échafaudage qui bordait sa terrasse. D’ici, Drug avait une vue panoramique de Karma : la cité était construite de haut en bas, ce qui permettait aux habitants du Haut de dédaigner les habitants du Bas, aux revenus plus modestes. Les habitations du Bas étaient amoncelées, sommaires, parfois rudimentaires, et tassées : ce groupement avait tout d’une fourmilière. Identiques en tous points, seule leur forme variait. Il ne se détachait de ce paysage couleur pétrole que les cadres institutionnels : les écoles, les églises, la caserne de la milice, le tribunal, le musée karmatique, et surtout, l’Elysée karmatique ; les grands cadres économiques également, avec les commerces, les entreprises, les banques spirituelles et les assurances. Polychromes, ces édifices surprenaient tant par leur architecture fignolée que par leurs variantes de couleurs : tantôt par leur cubisme, tantôt par leur étendue, tantôt par leur vitraux ; parfois implantés au sein même de la roche ou en contraste total avec la petitesse des habitats qui les bordaient.  L’exaltation de l’Etat n’était pour le moins pas retenue.

    En outre, des tuyaux parasitaient, sans exception, chacun des bâtiments qui se dressaient sous les pieds de Drug : il s’agissait des câbles d’alimentation d’énergie spirituelle ;  pour Drug, c’étaient plutôt son moyen de locomotion lorsqu’il régissait la nuit, avec son curieux instrument à grappins – il saliva à cette vue. Les scanners cinétiques avéraient un tel écart de bonheur brut entre le Haut et le Bas que l’ensemble de la populace dans la vie active bénéficia d’une supplémentation pour subsister.  La signification de ces tuyaux prenait, selon le contexte, une toute autre explication : ici,  c’était plutôt synonyme d’opulence ; pour les pôles économiques, il était question du système informatisé ; en Bas, c’était plutôt histoire de survivre quelques temps... Ses yeux violines pouvaient certifier le phénomène⁸ : les spectres grouillaient au loin, tandis qu’ils se faisaient plus rares dans les alentours. En effet, ils affluaient autour de l’épicentre de la fosse commune : il était question de la tristement célèbre Gangrène karmatique¹⁰. La fosse commune, interdite au public, était le théâtre de réincarnations spectrales¹¹ massives. Les quartiers qui la jonchaient, des bidonvilles, étaient infestés tant de maladies mentales que de maladies physiques – il était défendu chez les habitants du Bas - et encore plus chez ceux du Haut - de s’y aventurer. Cette situation formait un cercle vicieux qui préoccupait fortement Drug pour ses confrères démunis : il y naquit la contrebande spirituelle, qui s’était transmise, à l’instar d’une Gangrène, dans l’intégralité de Karma.

    Sur cette désolante constatation, Drug entreprit de sauter dans le vacuum¹². Il suspendit in extremis son mouvement : le soleil lui rappela qu’il n’était pas  en possession de ses grappins. Il ricana nerveusement et entama un parkour effréné jusqu’au funiculaire, qui le mènerait, en comptant sur sa bonne fortune, peu loin des geôles du gouvernement régional, et non à l’intérieur.


    *

    Le jeune homme mit fin à sa sieste avec une précision d’horloger. Une chape de plomb pesait sur les dortoirs de la caserne, que vint briser le bruit du crachin contre la tôle. Ce son était fort mélodieux aux oreilles de Drug.

    Cet insoutenable soleil s’était enfin substitué au calme mystérieux de la nuit.

     

    NB :

    -  Le monde est arpenté de créatures (les animaux et les hommes) et d’esprits invisibles à la plupart des créatures (les mânes et les spectres).

    - On nomme Terre le monde des créatures, Eden (grossièrement, le paradis) le monde des mânes et  Géhenne le monde des spectres (grossièrement, l’Enfer). Ce sont trois dimensions différentes mais liées les unes aux autres. Elles partagent le même espace-temps.

    Numérotation :

    -¹ Le sommeil polyphasique est souvent utilisé par les militaires quand ils sont dans des missions à risques. C’est un sommeil fait de plusieurs siestes de 15 à 30 minutes.

    - ² Un Modérateur est une créature dont l’énergie spirituelle a transcendé le commun des mortels lors de la réincarnation.

    Ils n’ont aucune forme propre et sont à la fois des créatures, des spectres et des mânes.

    Les Modérateurs ne sont pas détectables par le système informatisé puisqu’elle dépasse les 300.

    Ils ont été appelés par Pluviose, le Dieu de l’Equilibre entre la Terre, la Géhenne, l’Eden.

    Les modérateurs ont également un don d’infiltration : ils peuvent s’établir et cohabiter avec une autre âme dans un même corps, mais cette démarche est irréversible.  C’est ici le cas d’Onwa Moonrise.

    - ³ L’énergie spirituelle est l’énergie nécessaire à la survie des êtres vivants, qu’ils soient des créatures ou des esprits. Elle est mesurable sur une échelle de 0 à 300 grâce à un système informatisé. L’énergie spirituelle peut connaître de fortes variations dans les moments d’adrénaline mais retrouver son seuil normal, propre à chaque individu.

    Les individus infectés par certaines maladies mentales, de la simple névrose ou déprime en passant par la dépression ou la schizophrénie sont sujets à de plus ou moins fortes baisses d’énergie spirituelle. Leur traitement est extrêmement coûteux et beaucoup d’infectés descendent jusqu’à 0.

    - ⁴ Si le compteur tombe à 0, l’être vivant se désincarne et son existence est effacée.

    - ⁵ Dans l’idée, c’est une robe de distinction pour montrer qu’ils font partie de la milice.

    - ⁶ Le cobalt, de la pierre du même nom, désigne aussi une teinte bleue foncée.

    - ⁷ L’héraldique, c’est tout ce qui est relatif aux blasons. Dans le vocabulaire des blasons donc, l’argenté représente la sagesse,  la droiture, la netteté,  et la franchise. L’aigle est là pour rappeler le capitalisme américain et représente la beauté, la force et le prestige. Le vert symbolise la santé, la  joie, l’espérance et la liberté et le noir, la tristesse. La rose bleue symbolise le mystère et l’atteinte d’un trésor.

    -⁸ Une poignée d’individus spéciaux (outre les modérateurs) arrive à percevoir les spectres et/ou les mânes. Dans le cas présent, Drug arrive à voir les spectres.

    - ⁹ Mâne signifie « bon esprit », tandis qu’un spectre est en général associé à des choses qui ne présagent rien de bon.

    - ¹⁰ L’Embellie des mânes provoque des hausses d’énergie spirituelle tandis que la Gangrène des spectres provoque des baisses d’énergie spirituelle.

    - ¹¹ A la mort d’un individu, son existence détermine une teinte – lisible par les scanners cinétiques-qui elle-même déterminera si le mort en question se réincarnera en mâne ou en spectre.   

    -¹² Espace sans matière.


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  • Texte datant d'août 2015.
    Je l'ai accueilli avec beaucoup de joie puisqu'il est né d'un regain d'inspiration. Je n'ai pas eu la foi de le peaufiner jusqu'au bout et il tient plus de réflexions que de récit tant la présence de description est clairsemée ! 

    Au passage, j'espère de tout cœur que 2016 sera pour vous une année d'opportunités.

    _________________

     

    J'ignorais les maux du monde

     (Artiste : Stephen Criscolo)

    J'ignorais les maux du monde. 
    J'avais grandi dans une micro-société immaculée, sans fioritures. Et je m'y immiscais conformément, finiolant habilement cette utopie. 
    Agile, Civil, Intelligent. 
    Confiant, Charmant, Polyvalent.
    En somme, exemplaire aux yeux de mon cercle, et ce dès lors que je fus en mesure d'ânonner les livres de sciences de mon aîné (à quatre ans). Je suivais avec d'autant plus d'aptitude le layon qu'avait tracé notre puissante famille, à mesure des générations, au travers des forêts vierges, « surpassant peut-être même le génie du plus grand ». Pour une riche lignée de commerçants, que les chocs géographiques jamais ne découragèrent à l'amassement de pouvoirs et de biens, ces atouts étaient non négligeables.
    Or, il s'avéra que, cette fois-ci, ce n'était ni plus ni moins un mouvement de l'orgueil, qui s'enclencha non sans l'aide de l'idolâtrie que je provoquais.
    « Un modèle et pour les intellectuels, et pour les simples d'esprit ! » avait-on vu en un bambin à la face de chérubin, qui lut acide désoxyribonucléique en un mois de travail acharné sur ce seul mot, et qui arborait des sourires ravageurs à la pelle - auxquels personne ne résistait pour cause du jugement inique porté sur les Sylviors, acquis par le statut des ancêtres... Mais que voulez-vous que devienne un gamin sans jugeote, baignant dans l'opulance et les louanges, qu'un jeune homme prépubaire imbu de lui-même ? Et lorsque la fierté se substituera à la désillusion, que restera-t-il à ce même jeune homme à l'avenir avorté que la sensation d'avoir été niais et dupé ?
    Il fallut bien remettre les pieds sur Terre, un jour - quoique cette dernière demeure le seul lieu de désillusion connu à ce jour. La Terre, en l'occurrence, s'éloignait, davantage à mesure du temps, de l'endroit où on pourrait concevoir concrètement des phalanstères. Tout ce que j'eus accompli durant ces années-là fut de nier à merveille la partie immergée de l'ice-berg, qui surpassait par quatre fois la taille de la partie émergée ; et si j'emploie le terme "accompli", c'est parce que contester ce qui s'exaltait perpétuellement sous mes yeux demeurait, en effet, du génie.
    Il me fut hardi de reconnaître l'enfer des déséquilibres sociétaux, de clairvoir la situation géographique et politique du monde, ou simplement la perte de véritables valeurs morales...

    Chris Brunswick et Vianney Selecomnesia, deux jeunes adultes, l'un allemand-polonais, l'autre vietnamien, nous parvinrent de Babylone, ville estimée à la limite de la vénération par nombre de slumbers (surnom affectif donné aux habitants de Colorful Slum) - et qui illustrait à l'époque à merveille mes utopies, un paradis semé au beau milieu des squelettes des êtres et des immeubles ! 
    Aller aux universités ou aux lycées militaires de cette fameuse cité consistaient l'étendue des aspirations des graines de slumbers ; à l'époque, on aurait pu établir une comparaison avec le rêve américain. Ils représentaient tant la révolte que le futur, empli de péripéties et de possibilités... Cependant, tout n'était pas rose ici-bas, comme partout ailleurs, hors mis dans la tête des plus grands moines : mais même ses défauts la faisaient chatoyer. Ne serait-ce pas excitant d'être formé à être un pseudo-justicier dès son plus jeune âge ? De s'imprégner d'une éducation saine et vertueuse, et surtout, fructueuse, visant à annihiler en douceur toute trace d'hostilité ? On croirait là la descendance de mère Thérésa !
    A contrario, Colorful Slum était l'allégorie de la déchéance humaine. Il comprenait les écorchés séparés de leur famille, les rescapés de guerre, les clochards, les renégats de Babylone, voire les brigands qui allaient parfois la parasiter. Babylone avait été façonnée avec tant de soin que le projet de construction voisin n'eut assez d'argent que pour construire ce dense bidonville et, contre toute attente, fournir des pots de peinture de couleurs vives. De plus, si elle eut tôt fait de gagner son indépendance, la pauvreté de Colorful Slum ne lui permit jamais de se séparer de l'aide de ce gouvernement rapiat. 
    Quoi qu'il en soit, revenons à nos deux jeunes gens. Chris était albinos, d'une clarté qui contrastait merveilleusement à celle de Vianney, brun au teint basané. Il seyait à l'image que je me faisais des babyloniens, ce Chris ; Vianney, quant à lui, était originaire de Colorfull Slum, mais avait eu l'opportunité de poursuivre son rêve babylonien : s'en aller poursuivre les étoiles. 
    Chris comme moi semblions légèrement dépaysés, l'un par la vue de l'autre. Toutefois, le changement pour lui était presque comparable à celui d'un riche occidental immigrant contre son gré en Afrique noire, dans une cabane de paille sans eau ni électricité courante, avec ses cheveux opalins, sa peau diaphane (d'ors et déjà constellée de brûlures) et ses iris cristallins comme vains souvenirs de sa vie d'antan ; et sa voisine, répondant au charmant prénom de Fatou, lourd seau d'eau suspendu sur la tête, souvent poitrine et pieds nus, à qui il dut expliquer avec les gestes qu'en effet, une tribu de bonobos avait pris le contrôle de l'Europe, que c'était devenu presque impossible là-bas (et que finalement, mais il se garde de le dire, il aurait peut-être préféré se faire abuser par cette tribu de bonobos plutôt que d'être contraint à s'installer ici). J'exagère un rien ; c'est en exagérant qu'on fait passer toute l'ampleur d'une idée - et ce même si je cultive ardemment l'art du cliché. Il s'agit, dans ce cas-ci, de remplacer les bonobos par la Société Intergouvernementale d'Asie de l'Est, les sévices par des attentats, et le riche occidental par un homme ruiné tant moralement que financièrement, incapable de moufter le traitre mot et d'arborer la moindre expression faciale. 
    Une fois de plus, c'était un homme dévasté qui nous arriva. Quoique la pitié occupa une grande partie de mes ressentis à son égard, il m'évoqua également une intense méfiance. 
    Fragile. Et dangereux. Des traits angéliques déformés par une douleur lancinante et une folie naissante.
    Ces caractéristiques n'échappèrent à ma lucidité d'enfant de neuf ans.
    Je ne fus nullement surpris d'apprendre qu'il avait abattu de sang froid un tout jeune brigand lors d'une embuscade ainsi que son père et son acolyte une poignée d'heures plus tôt, durant la traversée des fameuses Terres d'Oak séparant Babylone de Colorful Slum. Telle ne fut pas la surprise du père, dissimulé une vingtaine de mètres au nord, derrière une dunne de détritus, que de voir un canon planté sur la tempe de son fils - son unique fierté, à qui il apprenait l'art de voler et de s'affirmer de la sorte - et d'en voir précéder de vifs éclats de sang - pas même un cri, rien qu'un poids sanguinolant s'écrasant lamentablement parmi les insectes désséchés par la rudesse du soleil. Plus accoutumés à voir le chemin inverse effectué, la présence d'armes à feu n'avait pas été envisagée. « La faute à pas de chance », on souffla alors dans ce repère de voleurs, cinq jours plus tard, haussant les épaules comme on hausserait les épaules en apprenant la perte de récoltes, en trouvant là, abandonnées, trois dépouilles en début de putréfaction, mangées et brûlées par l'impitoyable courroux du soleil. 
    Vianney fondit d'abord en larmes à l'instar d'une fillette - à l'instar d'un rescapé de guerre (vous savez, les yeux des enfants...) -, avant de réprimander son ami avec presque autant de froideur qu'il avait tué ces trois individus.
    « Je n'aurais pas permi qu'on me prenne quelqu'un d'autre », rétorqua-t-il sans l'ombre d'un remord, presque machinalement, battant les flancs de son cheval pour lui intimer de reprendre son galop. Et ce fut silence jusqu'à l'arrivée à Colorful Slum - et dans le cas du jeune allemand, plus d'une semaine après.
    Perché sur les épaules de mon aîné, Linx, j'avais considéré Chris et Vianney, qu'un petit comité d'accueil curieux avait encerclé.
    « Je croyais qu'on nous apprenait à être forts à Babylone, chuchotai-je à l'oreille de Linx, À être des hommes,  comme mon grand frère à moi. Lui, il est bien plus fort que ça. »
    Linx avait alors esquissé un sourire authentique, de ceux qui me signifient la fierté qu'il éprouve à mon égard. Plus tard, après s'être isolés dans une habitation de fortune, il entreprit de m'éclairer de son point de vue en me faisant asseoir sur ses genoux. 
    « Le plus fort de tous n'est pas celui qui aura le regard le plus dur, le plus viril, le moins larmoyant, les muscles les plus développés, ou les plus grandes jambes... (C'était encore un de ces discours auxquels je ne trouvais rien à rétorquer, tant il annonçait de nouvelles notions pour moi. Je ne savais pas vraiment où poser mon regard, le sien étant perturbant de sérieux.) Le plus fort est celui qui se met sur le ring et mène courageusement son combat contre la Gangrène et la Mort. Peu importe le sang et les pleurs qu'il y laisse. Peu importe si il y laisse sa vie, même. Il combat jusqu'à en mourir de fatigue s'il le faut, mais jamais, Ô grand jamais, il n'abandonne. 
    L'homme fort a des convictions. L'homme fort est perspicace. (« Mais ça veut dire quoi, "perspicace", grand frère ? »)
    La Mort, comme partout ailleurs, est chose courante à Babylone. À la différence que ce sont les gens comme nous, les slumbers, qui mourions là-bas. Pas des personnes comme Chris et ses proches. On est pas habitué à voir mourir ses proches à Babylone, mais les "autres". 
    Vois comme l'éducation des slumbers et des babyloniens est différente : si les babyloniens furent préservés de ces soufffrances-là, les slumbers y furent continuellement exposées. Et c'est ça, tout juste, qui fit de toi et de moi de vrais hommes. (Jamais je ne lui fis part de ma vision erronée des choses, plus jeune, de peur de le décevoir. Je prenais, quoi qu'il en soit, conscience de la réalité, et que ce paradis social qui me cerclait ne signifiait rien de l'intégralité du monde.). Des personnes qui ne voient pas la mort comme une fin ; bien au contraire, aucune mort n'est vaine ici bas, et, contrairement aux idées reçues, elles servent à propulser les autres et à raffermir leurs ambitions, à défaut de les abattre. 
    Il n'est pas d'idylle qui réside sans les dévastatrices conséquences potentielles de son effondrement. C'est comme ceci que tu dois envisager les choses. Tu n'as plus qu'à porter dignement tes origines, T-Tmisht. »
    Il ébourrifa familièrement mes cheveux, d'ors et déjà hirsutes.
    « Alors, comme on est de vrais hommes, on va empêcher Chris de faire encore du mal ? demandai-je, laissant échapper quelques larmes d'émotion, serrant les poings, pinçant les lèvres et fronçant les sourcils (sans doute une tentative pour paraître "homme"). 
    Linx arborait la plupart du temps des mines austères et impénétrables. Or, face à la douleur d'autrui, son visage se soulageait de sa rigueur et exhalait toute l'étendue de sa bonté.
    « Comme nous avons aidé chaque âme perdue venue ici. »
    Dans ces moments, j'aimais le plus sincèrement du monde mon grand frère.


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  • Texte datant de juillet 2015.
    Représentatif de ma bataille actuelle, je ne l'aime pas vraiment, mais il a plus que jamais sa place ici (malheureusement). 

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    Je n’arrive plus à écrire.

    Élégie à la Capricieuse vierge


    Certes, ça tombe sous le sens. Après plusieurs mois d’absence d’encre, plus d’un semestre à manier maladroitement la plume.
    Je peux concevoir qu’écrire tout en ne sachant plus écrire puisse paraître antithétique ; mais mon usage du présent ne dénote pas du hasard. Je peine à composer ces quelques phrases, pourtant anodines, pourtant si peu représentatives de mon art – l’orgueil, il ne me reste plus que ça, et bientôt plus rien.

    Et si j’avais oublié pourquoi j’écrivais ?
    C’est vrai. Je l’admets. Il m’arrive de me demander pourquoi j’écris ou je dessine – en l’occurrence, le dessin m’est plus accessible, mais les deux sont étroitement liés, puisque les univers sont les mêmes. Alors que je suis lancée dans un élan de polychromie ; alors que je tente de me diversifier, de ne pas me cantonner au grisâtre ; alors que Mère ne se pétrifie plus, constatant ces crayonnés plus gais ; ma main se fige, mes yeux dédaignent ma labeur et mon pinceau ne se risque plus à toucher le papier.
    Est-ce que je prends du plaisir à pratiquer mon art ?
    Seulement, est-ce que le fait même de me poser cette précédente question ne destitue pas ma production  à l’état de loisir ? Ne tient-il pas davantage d’un tic et d’un spectre de conviction, cet « art » ?
    Pourquoi dois-je mener une telle introspection en mon être pour saisir un piètre brin de satisfaction, et pourtant tenter de me convaincre qu’il me sied ?
    Pourquoi ai-je l’œil si envieux des prodiges, ou ne serait-ce d’une production fertile ?

    Lorsqu’il s’agit de l’Art de la Passion, tous ces questionnements n’ont pas lieu d’être...

    Un constat désolant. Peut-être un constat de fataliste. Question de subjectivité, mais, en ce qui me concerne, j’y devinerai plutôt un soupçon de réalisme ; me berner d’optimisme à outrance – comme toute chose à outrance – ne m’eut jamais offert qu’un âpre revers.
    « Sois forte et avance, fillette » me martèle-t-on, me martèle-t-on.
    Une démarche admirable… que je me refuse à adopter. La braise précieusement recueillie entre mes doigts me consume ; à l’affût de l’étincelle, sentinelle des affres du passé.
    Ai-je déjà envisagé mon existence versatile sans la valse de la Passion ?
    M’a –t-il déjà été permis d’échouer en ayant auprès de moi la Passion ?
    Suis-je destinée à rancir, sans elle ? Ou pire encore, que la vie s’écoule sous le joug de cette impitoyable polyvalence – sans me permettre la caresse des maux précurseurs de la Passion ! Et ces rêves d’enfants, ces utopies et ces chimères, délires oniriques, affaire d’une nuit. 
    Ceci, pour le pire ! A moins que cette braise ne donne naissance qu’à ce « petit Art », celui qui nous émeut à peine et que l’on oublie plutôt vite.
    Mais c’est ainsi que vont les choses imprévisibles : avec appréhension. Elles nous tombent dessus à brûle-pourpoint, pour des raisons absconses, sèment le chaos, sur l’instant ou pour toujours. Et moi, elles me font songer au passé avec nostalgie, mortifiée. Mais où sont-elles passées, ces soirées en solitaire, à écrire inlassablement ? Pourquoi est-ce que j’écris tout en ayant l’impression que ma plume est ailleurs ? Pourquoi mon regard est plus prompt à s’attarder sur des vétilles que sur la feuille vierge de la création ?
    Cependant, tous ces questionnements, toutes ces extrapolations ne sont-ils pas faits pour ceux qui abandonnent leurs raisons de vivre dès qu’ils commencent à les sentir décroître? C’est pourquoi fouler sur le sentier du passé m’est nécessaire : il me faut retrouver cette alchimie que j’entretenais autrefois envers mon art, cette infaillibilité, cette assurance lorsque j’écrivais et cet afflux d’idées qui se concrétisent aussitôt qu’elles me viennent. Me cantonner à la vie de Mère, faite de futilités, m’est inenvisageable : lorsqu’elle me contait sa Passion de l’écriture, des langues ou de la lecture, usant du passé ; tout ce qui l’émouvait auparavant n’était plus, ses passions s’étaient étiolées à mesure de temps. « C’est ce qu’il se passe quand tu deviens adulte, tu n’as plus de temps pour ce genre de choses », expliquait-elle.
    Je la contemplais avec des yeux grands comme des soucoupes, éprise d’une insouciante pitié. « Alors que ça doit être ennuyeux d’être adulte, je vous plains… » Ainsi ne pouvait-elle pas saisir le pourquoi du comment je refusais catégoriquement de faire autre chose lorsque j’étais attelée à mes Passions.

    Ma vie pourrait perdre tellement de son sens, ma chère Passion, car je n’ai jamais vu de vie plus sensée que celle d’un artiste, car je n’ai jamais vu mon âme aussi remuée que lors de la démarche créatrice.
    Ainsi, Jacques Brel et Barbara parasitent une nouvelle fois mes écrits ; et ses chants les plus mélodramatiques, quémandant « Ne me quitte pas », « Dis, quand reviendras-tu ? » ou « Pour un instant seulement, je la crois, Monsieur », « Tout le temps qui passe ne se rattrape guère », que la désillusion vint suivre.  Puisse-t-elle voir  l’enfant inconsolable que je fais sans Elle.
    Elle, qui jadis fit l’essence de ma vie, Elle, qui fit paraître le temps plus palpable et profitable, Elle, qui rendit délectable la plus lancinante des douleurs.

    Je pourrais  bien regretter pléthore de textes écrits à l’égard des pires ordures.
    Je pourrais bien me languir de la moindre bribe écrite en ta compagnie.
     Je pourrais bien envier le plus béant de mes marasmes passés pour t’entrevoir.

    Exact, hypothétiquement : prier pour la perte de quelqu’un ou quelque chose l’aura rarement ramené.

    Dans ce cas, je ne m’en contente plus. Je me contente plus de prier : j’agis. C’est là la raison de l’existence de ces lettres. Les excuses et les courbettes ne sont faites que pour les fainéants !
    Moi, je suis avide du concret. J’ai de l’orgueil et de l’égocentrisme ; et des rêves de grandeur, oui ! Moi, moi, moi, je ne supporterai pas de me laisser surpasser par d’autres passionnés, ni de jeter cette prétention, cet individualisme et cette ambition. Je ne supporterais pas de me huer de regrets : « Si j’avais poursuivi mon art de l’écriture, j’aurais pu écrire quelque chose d’aussi sublime et émouvant. J’aurais pu être publiée, de la même manière. Et peut-être même adaptée ? Ah, « si »! »


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  • (Ecrit en mars 2015) 

    L'agencement de la sombre métropole, récente capitale du Monde, était intégralement électrique ; et, malgré l'absence de tout gaz néfaste dans l'atmosphère, on n'apercevait guère qu'une nue fuligineuse, planant sur ces millions de vie à l'instar d'une menace, occultant les astres. Il me sembla que c'était le propre de l'urbanisation que de paraître avide et insatiable.
    Lorsque j'arpente le Monde, la première chose que j'envisage est le firmament ; ainsi, il m'est apparu naturel de débuter nombre de mes récits par une description de ce dernier. La Nature m'eut nombre de fois guidé vers des terres fertiles, ainsi, cet hommage ne lui est en rien fortuit.
    Ce jour-ci, toutefois, ce ne fut pas le cas. Les vents n'étaient pas propices, et émettaient de violentes stridulations en se frottant à mes tympans. Vainement, il tentait de me flageller en se déferlant de tout son ressac sur moi ; je faisais un bien fougueux pêcheur, filant à contre courant dans les eaux troubles, stoïcien à tous ces efforts visant à heurter mon enveloppe ou, du moins, ralentir mon allure.
    Ce qui m'avait attiré avec tant d'animosité fut bientôt à proximité : les pulsions qui m'éprenaient s'effrenaient peu à peu à la vue d'un imposant gratte-ciel. Pas même ses quelques cinq cent mètres de hauteur ne permettaient d'écarter les nuages aigres pour se repaître d'une lueur de couleur.
    Les moeurs étaient telles qu'il s'agissait du siège de l'Organisation Intergouvernementale d'Asie Centrale, lequel ne manquait pas, une nouvelle fois, de suggérer son autorité sur le peuple par une pareille architecture. Occultant ce flot d'informations peu accommodantes, je posais les yeux sur les deux jeune gens occupant le belvédère. Une demoiselle au physique atlhétique était adossée aux fines barrières métalliques - elle avait un corps tout en muscle et sa chevelure était un mélange de gris, de rouge, de dreads et de mèches. Son oreille droite était criblée de piercings, qui n'étaient autre qu'une lune et des étoiles. Sur sa paumette était dessiné une autre lune à l'eye-liner ; moi qui m'étais plaint d'un ciel sans étoiles ni satellite.

    Chapitre 1, Part 1

    (Test d'Onwa inachevé à l'aquarelle. J'ai opté pour des cheveux courts après, ce qui explique que je n'aie pas repris ce dessin)


    Quant à sa charmante compagnie, j'admets avoir eu une prompte hésitation quant à son sexe. La physionomie de son visage était fine et suave, ses cheveux mi-longs châtains étaient disciplinés et soyeux, mais ce regard pourpre était bien celui d'un homme.

    De leurs bouches s'échappaient de fugaces broues,
    De leurs pipes des volutes charmeuses, s'accolant en une courbe spiraliforme
    Ceci, plongé sous une arachnéenne brume...
    Et, à l'épicentre de ce théâtre d'entités blanchâtres,
    dansaient les spectres,
    parmes.

    La jeune femme se prénommant Onwa Moonrise levait la tête, éprise de cette morne voûte céleste.
    « Tu les vois ? demanda-t-elle à son collègue, Drug Utzitch, en pointant le ciel du menton.
    -Je crois », répondit vaguement Drug, perplexe.

    Onwa ne parlait ni des étoiles, ni de la lune, mais bien de l'aubade des spectres.


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  • Thématique : Mettez en relation l'originalité et le bonheur en comprenant la thématique du "pont" sous la dimension de votre choix. 

    «  Ci-gît pléthore de vies.
    [Espace réservé au recueillement] »
    Il n’y avait maintenant plus rien d’anormal pour Drug Utzicht que de surprendre ce genre d’épitaphe  aux abords de la rue la plus quelconque d’apparence qui soit.
    Un écriteau en  bois miteux était érigé sur les sinistres clôtures métalliques, rubigineuses et biscornues. En jetant un coup d’œil latéral, on pouvait constater que ce pseudo-cimetière tenait plus du capharnaüm, ne se rattachant aucunement aux figures traditionnelles de ces derniers. En effet, les stèles n’étaient que de piètres blocs de béton parmi les arbres abattus, les ronces et les fougères.
    Les oubliés psalmodiaient une singulière litanie dont nous ne saisissions pas le sens, ni Drug, homme de condition banale, ni moi, entité indéterminée– ni vivant, ni mort, ni chimère, ni humain, ni animal ; autre, inconnu. Le fait est que si la matière organique n’eût pas de secrets pour moi, celle psychique demeurait un mystère, de même que ma propre existence. En effet, le cimetière grouillait de spectres : leur prolifération était telle que même un être à faible capacité spirituelle tel que celui que j’infiltrais pouvait les percevoir.
    Seules les artères principales de la commune étaient peuplées, ainsi le jeune homme blond n’était nullement surprit de la désolation qui régnait dans les allées dégarnies. Si les spectres lui provoquaient diverses hallucinations, Drug n’était pas dupe de ces sensations kinesthésiques, extéroceptives et intéroceptives.
    La ruelle bifurqua sur un vaste terrain vague, qui s’étendait sur un ou deux kilomètres à la ronde.  Seules quelques pousses cafardeuses témoignaient de signe de vie ; à perte de vue, des teintes chaudes, pisseuses, et un vent brûlant à en faire ployer toute vie.
    Lorsque Drug atteignit le pont inachevé dont les éboulis avaient obstrué le ruisseau, il transpirait par tous les pores. Son habit de fortune ne ressemblait plus qu’à un chiffon humide destiné à la plonge, tant il lui collait à la peau. Il prit son vêtement par le col pour le secouer, et, constatant ses efforts vains, finit par l’ôter.  La rive opposée était inaccessible, mais n’avait, quoi qu’il en soit, guère de terres hospitalières qu’un désert aride et mort. Dubitatif, le jeune homme prélassa ses yeux pourpres sur le paysage acariâtre. Peu inspiré, il s’en remit à son imagination, et se consacra dans la conception onirique d’une oasis.
    Sa concentration atteignit une intensité prodigieuse, de telle façon qu’il crut ouïr le doux bruissement d’une rivière sous ses pieds – et même une pincée de cris d’admiration de dignes représentantes de la gente féminine à la poitrine protubérante, à l’égard de sa « beauté » et de son « charisme » ; il rit nerveusement d’autodérision.  Lentement, il rouvrit ses paupières : devant lui, pas le moindre liquide pour désaltérer son corps et sa gorge, mais une jeune femme. Elle ne lui apportait pas de bière en bikini, ne scandait pas son prénom, et n’avait pas non plus de buste proéminent.
    En effet, la nymphe n’offrait pas un spectacle anodin. Sa chevelure flamboyait, chatoyant à la lueur du zénith ; il sembla là que ce fut le seul être à pouvoir être sublimé d’un tel chaos. Sa robe irisée, dont les confins étaient faites de spirales, épousaient avec grâce les formes de son corps diaphane et élancé.
    C’était là bien plus que ce que l’énigmatique blond eut espéré plus tôt, et il ne sut expliquer quelle sorte de bonheur l’emplissait à cette vue. Il sourit, jusqu’à ce que ses lèvres se décollassent, pour s’esclaffer d’un rire apaisé. Quoiqu’incrédule, Drug ne se refusa pas à ce mirage charmeur.
    Il perdit sa fierté en croyant y discerner son utopie. Ses pas s’orientaient dangereusement vers la berge, sa main tendue, le visage mué d’admiration.  Il se fichait bien de mourir : il était prêt à mourir, puisqu’il était maintenant heureux. La pierre gémit sous ses pieds en guise d’avertissement.
    La seconde suivante, il gisait au sol. Toutefois, ce n’était qu’un sol fait de pierres vétustes, et non de rochers affutés.
    Au-dessus de lui, la dryade souriait. Amusé, Drug lui rendit ce sourire, et, sans l’ombre d’une hésitation, sans attendre une quelconque permission, il porta ses lèvres aux siennes.
    Il sentit sa chevelure blonde frémir. De ravissantes fleurs et plantes chromatisées, quoiqu’elles lui conférèrent un air efféminé,  ornaient sa crinière.
    La vie semblait le saisir avec une ambition vigoureuse.
    « Pourquoi es-tu ?  demanda-t-il, une fois qu’il eut fini de savourer cet exquis baiser.
    -Je ne suis qu’uniquement parce que tu es.
    Rien n’est plus vivant que ce que ton imagination crée. Rien n’est plus vivant que l’originalité. Rien n’est plus authentique que la Passion : toute histoire contée avec Passion est entièrement vraie, puisqu’elle est imaginée d’un bout à l’autre.
    La Passion te recueillera, te guidera,  te comblera mieux que quiconque ; elle est la meilleure amie qui soit ;
    ni la souffrance, ni le vide, ne peuvent interrompre le perpétuel joug des sentiments. »

    (Sans-titre)

    (Dessin en cours de réalisation, Aquarelle, Promarkers, crayons de couleur, crayons à différentes pigmentations, porte-mine. Drug Utzicht.)


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  • Un jour il faut combler les trous du mieux qu'on le peut. Ce n'est pas comme si je ne produisais rien, mais j'ai l'impression que ce n'est pas à la hauteur de ce blog, que ça n'a pas été fait pour. 

    Navrée de ce manque d'activité et d'inspiration. Ayant travaillé ce texte, je me permets de le poster tout de même.
    A noter que le sujet du texte est imposé et que j'ai choisi un personnage prédéfini.


    La liberté.

    Pour Gwenn Campbell, demoiselle élancée aux cheveux de jais quelque peu bestiale, conformément à son sang de lycanne, une philosophie entière reposait sur ce mot.
    Cette vie de liberté semblait s'être imposée à elle dès son plus jeune âge, alors qu'elle n'était encore qu'une simple humaine, fille de fermiers. Elle s'était précisément révélée lorsqu'elle eût comprit son homosexualité - et son aversion pour les hommes ; et, bien qu'elle ne fût pas superstitieuse et ne crût nullement au destin, cela ne pouvait, d'après elle, dénoter d'un bienheureux hasard. La situation actuelle le certifiait : la liberté était un met rare, exclusivement destiné aux individus rationnels. En ayant pris connaissance de ce goût prononcé pour cette valeur démocratique - et même axiomatique selon elle -, le parcours de la demoiselle s'imposait de lui-même, d'une linéarité abrupte.

    Ce jour-là, la lycanne déambulait seule sur les collines bordant les Ruines. Le froid était boréal, escorté d’une brume légère et d’une bruine. Les broues qu’engendrait son souffle étaient presque aussi denses que des volutes de cigarette, et cela rendait sa tâche d’autant plus aisée. Son pas était tantôt leste, tantôt lent, rythmé par le piano qui retentissait dans ses écouteurs, discrètement dissimulés dans son châle bleu marine ; ce qui n’altérait aucunement sa diligence, l’œil vif, l’odorat à l’affût et l’ouïe fine.

    Test d'admission au forum de RP Coalition v2

    Nonobstant sa rudesse, Gwenn était une formidable mélomane.
    Bien qu'elle brisa une multitude de fois ses archets, ses cordes, ses touches ou ses baguettes en jouant trop intensément, les onze derniers siècles lui permirent de magner avec une acuité hors pair le piano, le violon, le violoncelle, l'accordéon, la batterie et la guitare, et son talent inné la dota de l'oreille absolue. Plus récemment, elle s’éprenait de l’instrument phonique, dont elle ne maîtrisait guère l’art ; Gwenn était prompte à élever la voix, voix tonitruante et autoritaire, mais souvent cassée, éraillée.

    Les Ruines semblaient inanimées de par la température fort basse, mais l’intrépide lycanne ne dérogeait pas à son poste. Bientôt, le crachin fut flocons, se dispersant doucettement sur les montagnes.

    Gwenn aperçut une faible lueur au loin, étouffée entre quelques verdures et grains blancs. Elle accéléra considérablement le rythme de son ascension, jusqu’à pénétrer le fourré, boisé de fougères et de jeunes sapins. Les semelles polies de ses bottes lui permettaient de marcher sans émettre le moindre bruit. Elle replia la capuche de sa cape vert de chrome, et se tapit contre le tronc et sous les bras d’un conifère, assez loin pour espérer berner un instant les éventuels rebelles avec leur senteur. Malgré son souffle court, elle s’efforçait de respirer doucement. Dans ses oreilles pulsait lentement "Ruined Lands".
    Gwenn épia furtivement vers la provenance de la lumière. Il s'agissait d'un feu. Par déduction, des individus étaient bel et bien en présence, et hors du périmètre recommandé par un temps et une heure tels quels. D'autant plus que si les possibles prisonniers avaient pu échapper à la surveillance des Ruines, ce ne pouvait qu'être avec l'aide d'acolytes sentinelles et membres de la Coalition.

    Il n'était plus que question de temps avant qu'on ne la repère, et elle entreprit de grimper à l'arbre. L'intrépide lycanne plaça son pied gauche sur une aspérité de l'écorce, attrapa une première branche en prenant garde à sa solidité, et grimpa ainsi tel un reptile le long du sapin fourchu, en s'aidant de ses griffes acérées.
    Elle se dressa au sommet du sapin et put bénéficier d'une vue imprenable sur les comploteurs.
    La demoiselle reconnut une sentinelle hybride, la chevelure flamboyante et l'air peu dégourdie. Elle ne s’en remémorait plus le nom, en revanche, ses traits lui étaient rudement familiers tant par le passé elle l’avait tancée pour son manque de rigueur. À ses côtés se tenait un jeune prisonnier originel, reconnaissable à ses habits effilés. Elle l'avait déjà aperçu une ou deux fois dans les Ruines, sans trop qu'il ne fasse parler de lui. Tous deux étaient âgés de moins d'un siècle : Gwenn pouvait amplement les faire payer de leur vie pour leurs actes hostiles à la Coalition.
    L'expression du vampire était crispée, son front plissé, sa voix nerveuse. À l'inverse, la louve paraissait bénigne, d'une insouciance enfantine - son naturel n'était nullement affecté par la situation.
    La rousse se pencha – et il en fallut de peu pour que Gwenn n’ouïsse un ronronnement niais – et se saisit d’un canif qui paressait près des flammes. Ce dernier effleura dangereusement sa paume. Chaque mouvement de la rousse rapprochait Gwenn du moment où elle élèverait la voix ainsi que tomberait un jugement. Son courroux montait crescendo, et sa retenue lui était insoutenable.
    L'originel protesta vainement. Une goutte de sang vint se poser sur sa joue, glisser et s'insinuer sur ses lèvres ; la fragrance tentatrice acheva sa raison, et il porta piteusement sa bouche au fluide écarlate.

    La braise luisait dangereusement dans les yeux dorés de la lycanne. Il n'en fallut pas plus à la demoiselle pour se décider à agir.
    « Halte !! » fulmina Gwenn en brandissant sa main devant elle telle une épée. Sa capuche se rabaissa, dénudant son visage sentencieux. Son regard était voilé de dédain, et la hauteur de son perchoir ne faisait que réaffirmer son autorité.
    Le jeune homme brun se détourna, horrifié. Sa fuite fut spontanée : elle se ne manifesta que par quelques bruissements, et un piètre point noir filant à toute vitesse parmi l’immensité des montagnes. Gwenn n'envisagea pas de le poursuivre : les rayons de l'aube ne tarderaient pas à envahir la vallée, ce qui le condamnait.
    La lycanne dévala l'épais feuillage du sapin afin d'amortir sa chute. La terre se souleva lorsqu'elle y eut posé pied.
    « Cette fois-ci, tu dépasses vraiment les bornes ! »
    Mais, contrairement à l'accoutumée, la rousse ne se confondit pas en excuses à l'égard de sa supérieure. Elle serra les dents, dans une vaine tentative pour retenir ses sanglots.
    «Quelles « bornes » ? T’y connais rien à la justice, cracha-t-elle.
    -Ah, rit grassement Gwenn, et donc toi, tu la connais mieux que moi ? C'est pour ça que tu es prête à mourir en son nom aujourd'hui, hein ? »
    L'hybride se tut. Son amertume était telle qu’elle ne préféra rien avancer de plus.
    Gwenn interpréta cette non-réponse comme une affirmation. Elle s'approcha, dans un calme criminel, de sang-froid abject. De ceux qui succèdent la souffrance. Sa proie ne cillait pas. Ses yeux verts larmoyants lançaient un honorable affront à la lycanne, qu'elle s'empressa de saisir avec délectation.
    « Tout acte hostile à la Coalition est répréhensible. L'alliance d'un sentinelle à un prisonnier est passible de mort. L'insolence à l'égard d'un supérieur hiérarchique dans la Coalition n'est pas tolérée. »
    La lycanne serra le poing. Ce dernier vint se coller à la joue parsemée d'éphélides, pour s'en dissocier aussitôt. Le sang macula généreusement les hautes herbes. Au milieu de ces herbes s'étendait lourdement ce corps épars.
    « Au nom de l'amour » murmura la rousse en un sourire édenté.
    Gwenn lui répondit d'un singulier rictus.
    « Je ne connais rien à l'amour. »


     

    J'admets volontiers que la fin est très bâclée...


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  • « Je rêve qu'on se souvienne de moi et de vivre à travers les songes des autres. Utopie ! Dans une génération, je ne serai plus, et je rejoindrai des milliards d'oubliés. Y en a peu, des quadricentenaires. »

     

    C’est étrange de constater que tout juste mes premiers mots prononcés, je me sentais différente. La candeur s’est jouée de mon enfance.
    En effet, j’avais beau ne pas en être consciente, mon anormalité chatouilla furieusement les globes oculaires de mes contemporains, et ce dès mon premier souffle. Je n’avais pas le teint frais, reposé et rosé des autres bébés. J’avais celui de ceux qui ne naquirent jamais, mon teint était blafard, virait sur un bleu cadavérique, et mes cernes creusées auréolaient mes yeux clos. Une fraction de seconde, les gorges se nouèrent de regret. Celle suivante, je braillais à m’en vriller les poumons et à en vriller les oreilles des sages-femmes. Ironiquement, je fus reconnue comme le plus bruyant nouveau-né de toute la maternité.

    Je ne serai plus

    (Artiste : Akiakane ; Personnage : OC -> Voix exceptionnelle, en plus d'un coup de crayon très plaisant ! <3)


    Ma venue au monde semblait plus… brutale. Pas du ventre à l’air libre, mais d'inerte à animé. Une revenante, une réincarnation, et non un « zombie » , tel que le prétendent mes biens-aimés camarades. Du moins, c’était ce que j’aimais à penser ; un cryptique mystère surnaturel reste toujours plus excitant. Toutes les particularités qui m’entourent étaient loin de réfuter cette folle possibilité, que je jugeais plausible, de mon esprit imaginatif d'antan. Si cela peut vous rassurer quant à ma santé mentale, ce n’est absolument plus le cas aujourd'hui - le scepticisme quant aux évènements paranormaux, c’est bien connu.
    Parmi ces étranges détails stipulait la présence de larges cicatrices, qui zébraient étonnamment mon petit corps censé être neuf. Par ailleurs, elles n’ont toujours pas disparu et s’étendent grassement et indiscrètement sur ma joue gauche, mon cou, mes bras, mon buste -et des endroits insoupçonnés... Avec ceci, je m’imaginais tout types de scénarios sur mon éventuelle vie passée et sur les circonstances de ma mort.
    Toutefois, ma peau étant une membrane très fine que la plus moindre chute peut désagréger, il est par conséquent bien plus probable que des lésions se soient ouvertes durant ma formation. Mon organisme, quant à lui, est vulnérable au moindre effort physique et à pléthore d’infections. En suivant cette théorie-là, ma survie demeure également du miracle. J’en ai conclu être possédée par une frénésie à l’égard de la vie, plutôt que de me replonger dans des hypothèses nébuleuses.
    J’ai été recousue tant de fois que l’hôpital est mon foyer, ses employés ma famille, et que les points de suture constituent un organe à part entière chez moi. Cependant, il ne suffit pas d’être une pseudo-hémophile et de ressembler à un cadavre ambulant pour provoquer de telles réactions en posant le pied dehors - bien que cela ressemble drôlement à un euphémisme, ainsi formulé.
    Comme si cela ne suffisait pas, un autre surnom s’ajoute à la pile dont je suis déjà affublée. L’ « Extra-terrestre ». On peut affirmer que Dame Nature a concentré les anomalies de millions d’êtres vivants sur moi. Mes pupilles sont blanches, on ne peut plus effrayantes. Si on suit la logique des choses, elles ne devraient par conséquent par filtrer la lumière et ne pas me permettre de voir. Or, j’ai, au contraire, une vue éminemment bonne.
    Un véritable sujet d’études que la déontologie - après ma tendre mère - empêche de tripoter. Enfin, je serais réduite à un tas de poussière avant qu’ils n’aient le temps de triturer quoi que ce soit avec leurs scalpels.

    De ce fait, mon espérance de vie est particulièrement basse. On l'admet, à la longue, à force de phrases récurrentes, et navrées, que m'adressent de pseudo-empathes.
    Mon existence n’est pas heureuse, sans pour autant être malheureuse ; un juste milieu davantage désespérant, à vrai dire. Par ailleurs, cette situation aurait dû davantage me frustrer, à l'approche de la mort. Voici l'un des seuls atouts à cette moquerie que m'inflige la vie.
    Il en résulte un état d’esprit pour le moins farfelu. Un tout pour le tout réduisant la mort à l’état de mauvaise passe, et à la fois, une véritable force.

    Vous imaginez que la beauté de mon existence est altérée par mon physique singulier.
    Ce n’est pas seulement être mise de côté pour les épreuves sportives, faire des visites médicales régulières, subir des surnoms désobligeants ou s’interroger sur ce que l’on est. Mon quotidien se rapproche plus d’un combat perpétuel. L’apparence qui m’est imposée n’entre pas dans les normes sociales, peu importe le nombre de flacons de fond de teint dont j'enduirais ma figure - il est déjà bien compliqué d’en trouver un qui me convienne...
    La pire infortune dont je suis victime est la tendance d’autrui à me définir par mes particularités. Il m’a été donné de constater que dès lors qu’un individu tente de se différencier des autres, et que, pour ce faire, il use de comportements sans contentions, les réactions de la populace lambda sont, la plupart du temps, négatives.
    Or, en ce qui me concerne, je ne peux me débarrasser de ma nature. J’ignore par quelle félicité ma faiblesse n’est pas morale, car cela doit à bien peu, la force d'esprit.
    Quoi qu’il en soit, mon temps est déjà compté, et je n’en ai pas à perdre avec des bêtises d’adolescents sensibles à la solitude ou à l’intimidation.

    Aujourd’hui, je me lève et j’use de toute la puissance de mes jambes pour me précipiter en ville. Malgré ma petite taille et mon absence de formes, j'ai largement l'âge de m'y aventurer ; sans pour autant affirmer être moins vulnérable qu’une enfant, effectivement.
    Je mets des lentilles de couleur pour ne pas apeurer les passants outre mesure. Je revêts un blazer, une cravate, une jupe. Noirs. J'ai de l'ambition. Pas de maquillage : il ne sied pas à mon visage enfantin. Je fais tache, entre toutes ces couleurs, ces fleurs, ces arbres, ces gens. Je suis blanche, grise, noire… Morne.
    Pour couronner le tout, ma vision me permet de percevoir chaque pigment, la plus infime teinte, la plus légère nuance, le plus divergent ton. Et malgré cela, ne sont que les moins vives qui ressortent lorsque je m’observe dans la glace.
    Quand ce sont des œuvres d’art, mes grands yeux chatoient, virent irisés. Ma vision embellit. Contempler des œuvres d’art est fabuleux, du moment que c’en est moi la spectatrice. Et ce don-ci, vaut, il semble, toutes les tares du monde.

    Il fait beau, le soleil est à son zénith. Bientôt, je serai rouge. Est-ce que je dois m'en réjouir ?
    Il paraît que légalement, personne ne peut être discriminé pour son physique dans ses études. De ce fait, je poursuis mon rêve de politicienne.
    J’ai l'espoir de laisser un monde un tant soit peu changé, avant de disparaître.
    J’ignore si j’en aurais le temps. Je ne veux pas mourir. Pas si tôt.

    Je me nomme Brade Olsenn. Ne m’approchez que si vous êtes bons.

    (Dessin de Brade en attente de scan.)

    ___________________________

    Texte réalisé en juin. Il fallait que je le finisse, car les sentiments qui y sont liés commençaient à être trop éloignés temporellement. C'est en le corrigeant que je me suis rendue compte que j'avais fait beaucoup de progrès...
    A part ça, j'ai de nouvelles idées pour ma fiction. Pardonnez-moi de toujours revenir avec mes idées, mais une fiction est sans cesse proie à tous ces changements, cela me paraît normal quand on progresse !
    Elle risque donc de reprendre activement, à mon plus grand bonheur. :)


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  • Bonjour !

    Après beaucoup d'inactivité, je me repointe pour poster un texte un peu particulier. Je l'ai fait il y a plus d'un mois.

    Ebauche vuglarisée

    Nous entrâmes dans cette pièce, mille marasmes et moi. Il y avait toujours ce fabuleux lustre à l'allure onéreuse, terne, morne de poussière accumulée. Le clair de lune se reflétait dans les spirales des cristaux de baccarat. Chacun d'eux avait été travaillé avec une minutie fervente et fascinante.
    Un objet d'une pareille aristocratie n'avait pas sa place dans un local si miteux, sans électricité. Jamais plus il ne pourrait être ravi de faramineuses teintes irisées. Des traces de lutte zébraient la peinture blanche. Ses suspensions perforaient solidement le plafond, accrochées à ce bloc blanchâtre tel un arbre quadricentenaire à ses racines.

    Que dire de ce lit de premier prix, rongé par les mites, de ces meubles de récupération calcinés, des insectes qui lézardaient les murs, bourdonnaient, ou encore des sanitaires défectueux dont émane une odeur pestilentielle. Pourtant, ce n'est pas tant l'insalubrité des lieux qui m'annihilait tant, mais leur abominable solitude. Peu à peu, le château où logeaient les volontaires au service militaire, mes amis, ma famille, s'était vidé, m'avait esseulée, désespérée, tuée.
    Ben, du haut de ses quatorze ans et de ses mimiques attendrissantes, était restée aimantée à la boue charmeuse, deux traînées de sang à la place des jambes, deux traînées de larmes à la place du sourire. Gabriel, ce cruel et malheureux loup solitaire, s'était éteint dans une quiétude surprenante, d'une balle anesthésiante dans le coeur. Chris et Ether ne trouveraient jamais la paix, union maudite et vouée au suicide. Même la sévérité abusive et la cruauté de l'officier Venelli me manquaient. Ah, pléthore de morts dans ma conscience ténébreuse !
    Et Drug, où était Drug, dans tout cela ?
    Disparu, avec l'espoir d'une relation amoureuse. Désormais, ses cheveux blonds, ses yeux pourpres, ce corps mince et le mystère inhérent à sa personne me paraissaient voués à ne plus demeurer. Une évidence : Drug était un papillon éphémère. Il avait déployé ses ailes oniriques, et s'était évaporé aussi vite qu'il fut.  Cela s'était produit à l'aurore. Je sentis des lèvres se poser innocemment sur ma joue droite, une main glisser lestement sur mon cou, des pas légers et gracieux ; la fatigue ne m'éveilla pas, et je n'en pris conscience qu'au petit matin.
    Le papillon stoïque prit son envol, emportant avec lui mes plus beaux sentiments.

    Je rêvais que ce lustre cède enfin et s'abatte sur moi, perforant ma chair d'épines salvatrices.
    Tant d'affres s'agglutinaient à ma peau en un myriade de stigmates. J'étais un Stigmate. J'étais malheureuse.
    Je ne savais plus que me tordre de douleur, sangloter, crier, vomir, halluciner, me fondre dans le silence funeste. J'étais une ombre animée de soubresauts de panique dans un château gris et sombre, autrefois chatoyant de couleurs. Chaque paupière close d'un sommeil naïf et traître se rouvrait sans cauchemarder ; un simple cauchemar ne peut être égal à l'Enfer.
    Subitement, un bruit. Le vieux plancher de bois craque. Une, deux, trois, quatre, cinq fois, sempiternellement. Comme des pas, des pas d'êtres vivants, d'animal, d'humain, de monstres. Je me fige. Ma gorge se noue jusqu'à s'obstruer, je menace de suffoquer bruyamment. Ma poitrine se soulève lentement, trop lentement.
    Quelqu'un. N'importe qui. Par pitié. Mon assassin ou mon sauveur.
    J'écarquille les yeux. Je peine à ne pas gémir, proie à tant d'émotions, à de longues trombes de pleurs. Mon cœur manque de perforer ma poitrine à chaque pulsation -pourquoi a-t-il attendu si
    longtemps pour se dépiauter ? Je plante mes ongles rongés jusqu'à la fine membrane inférieure dans la literie.
    Après de longues pseudo-minutes, au semblant d'heures, un corps long et harmonieux se devine dans l'encadrement de la porte. Je me recroqueville. Je m'aplatis. Tout me semble irréel. Je n'entends plus aucun son.
    Un film se déroule sous mes yeux, je suis dans mon siège, je suis un spectateur.
    Un visage que je connais est éclairé par le clair de lune. Un visage où le bonheur et le malheur se battent. Des mèches ébène, hirsutes, fusent de part et d'autres, désorganisées, couvrent de fins yeux à l'iris gris, dur, métallisé, courageux, une jolie bouche mise en valeur par l'absence de joues, et un nez droit à la naissance, en trompette à l'aboutissement. Du sang menace de maculer ses vêtements ; il l'essuie prestement. Son souffle est saccadé, tandis que je m'asphyxie. Sa chemise déchirée dévoile un torse où se confrontent le noir, l'écarlate, et le beige.
    Je me tasse contre le mur, apeurée, choquée.
    Il leva la tête au ciel. Il sanglote, rit, parfois, ou arbore un sourire exagéré et incrédule.
    Ses épaules se décontractaient peu à peu. Un désespoir glouton, vorace, le désespoir du Monde entier, avait pesé sur lui. Ma vie n'était plus rien, ma vie n’était rien comparé à tout ça, pourtant... Il semblait enfin en être délesté.
    Il me serra vigoureusement dans ses bras, au point de me faire mal. J'enfouis mon visage dans son cou, en déglutissant péniblement. Désormais, mes ongles s'agrafaient à sa peau comme des serres. Je m'appuyais à lui, pour ne plus supporter ce vide seule.
    Cette étreinte chaleureuse me fit prendre conscience de sa présence électrisante, laquelle pigmentait ma peau habituellement sans chaleur de chair de poule. Malgré la transpiration, son odeur semblait effluves, de sapin, les mêmes que celles des rares hivers glacés : fraîche et quiète, légère, chavirant vers des lieux autres, merveilleux.
    Il s'appelait Xas. Il venait de traverser des kilomètres, guetté par la mort.
    Chaque seconde durant laquelle cette enlaçade se prolongeait était davantage soulageante.
    « Emmène-moi à un bel endroit », murmurai-je d'un ton faible, cassant et tout juste perceptible.
    Je sentis deux infimes sourires s’esquisser. 
    « J'ai le pouvoir de te faire remonter la pente » , affirma-t-il, si proche, que son haleine fétide m’agressa. Mais nous n'avions que faire de la négligence physique de nos corps.
    Il plongea son regard dans le mien. Le gris froid était maintenant chaleureux. Il s’y reflétait l’ambre de mes iris. L’ambre n’était plus terne ; elle vibrait, vibrait, vibrait, de pléthore d’émotions. La passion sous sa forme la plus éthérée, légère, renaissante.
    « Aujourd’hui, je t’emmène au pays des songes », susurra-t-il en m’enlaçant. 
    Et ses dires se transformèrent en faits.

    _______________________________________

    Ebauche vuglarisée

    Si vous ne l'avez pas lu, honnêtement, je ne pense pas que vous ayez perdu grand-chose. Je ne suis pas fière de ce texte, car il n'est pas écrit dans les circonstances habituelles.
    En effet, je l'ai fait pour un concours de nanas dépressives et simplistes à souhait. J'ai nommé, FBW (Facebook writers)
    J'ai ici amputé les parties concernées, mais le thème était le désir amoureux. La plupart des textes des candidats étaient sur la baise, donc bon... Je n'étais déjà pas amoureuse lorsque je l'ai écrit, alors me lustrer la moule en l'écrivant, sans façons. J'ai trouvé ça vraiment arbitraire, comme thème, d'autant plus que le thème de la deuxième manche portait... SUR LE MÊME THÈME. EXACTEMENT LE MÊME THÈME.
    Du coup je n'ai pas poursuivi ce concours, surtout que l’organisation était pitoyable, et les autres candidats, très médiocres. De toute façon il a fini par être annulé.

    Quoi qu'il en soit, je n'aurais pas laissé le mauvais goût inhérent à ces personnes gangrener davantage mes écrits.
    En effet, le début du texte a été écrit avec le cœur, mais ce n'est plus vraiment ça pour la fin.  L'illustration que j'ai choisie pour ce texte ne représente rien de précis, elle est vague, et cela représente plus ou moins la dégradation qu'il a subi : je ne suis pas capable de lui donner d'illustration précise, de le représenter.
     


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  • Un livre dans les mains. Les pages apeurées, fuyant peu à peu entre mes doigts, une à une victime de mes pupilles fougueuses et carnassières. Au paroxysme du plaisir sémantique, les synesthésies se dessinent, diaphanes, tournoient gracieusement, heureuses, siéent aux mœurs positives de mon existence. 
    Une seule tache, une seule ombre sur cette vivacité quasi-nocturne : l'hymne du passé retentit, mystérieusement. Qu'importe. Je l'ignore. Je la dénigre. 
    Je me laisse transporter, ailleurs, en un monde infini, où il n'y a que mon esprit réjoui et maître, je m'évade à l'instar des protagonistes privés de liberté. 
    Je lâche un soupir de plaisance, que dire de l'étau chaleureux qui régit ma poitrine, que dire des voix enjouées emplissant ma tête. L'hymne du passé n'est plus inquiétante ; ah, à présent si misérable, ma force éternelle réduit chaque menace à néant.
    J'ai épuré chaque recoin de mon être palpitant, j'ai pleuré, souri, écrit, dessiné, songé à de délicieux rêves farfelus, appelé chaque individu passionné qui me compose pour me couvrir d'ovations encourageantes.
    En cette douce étreinte, je clos les yeux, quiète, je l'ose, je désire m'envoler au pays des songes en cette merveilleuse flopée de sentiments, de résolutions, de convictions. Un exutoire annoncé aussi agréable et simple que ses prédécesseurs. Cette entracte, délimitant deux différentes dimensions, est troublante et pourtant surmontable, je le crois. Drapée de tant d'expériences diurnes, quel funeste évènement pourrait m'empêcher de m'en aller légère ?...

     

     

     


    Ah ! L'hymne du passé ! Négligée, puissante ! 
    La mélodie de la mort, comme une évidence.
    La mélodie de la solitude, comme une injustice éminente.
    La mélodie du désespoir, comme un poing impitoyable, balayant à brûle-pourpoint tant de dure labeur.
    La mélodie de la perdition, comme un tocsin tonitruant, annihilant toutes les couleurs en une vague cafardeuse.
    Tous mes Démons sont ici, fourbes, lestes, immenses. Longtemps bannies, voici les renaissantes affres d’une enfance perturbée, ces spectres monstrueux.
    En écho, me parvient une charmante voix lointaine, laquelle prononce pourtant des mots si durs, écartelant mes globes oculaires de terreur, dont jaillissent tant de larmes immaculées, tant de larmes nocturnes dont mes orbites se languissent. 
    « Ils t'auront. »
    Les peines ressurgissent le jour, puis la nuit. Seulement, un corps d’ores-et-déjà attelé à la tâche le jour, a-t-il assez de force pour répéter cette action lorsqu’il est le temps du repos ? Une victoire si éphémère en est-elle réellement une ? Pourquoi reviennent-Ils si prestement, moi qui Les avais bannis quelques minutes plus tôt ? Déjà tant de questions pour un esprit harassé, lesquelles forment des nœuds infernaux, ornements triomphaux sur ma personne huée et férie, viscéraux, résultant de ma propre panique. 
    Ma chambre, plongée dans une situation silencieuse et esseulée des plus normales, est malgré elle précurseur d'anomalies. Il n'y a plus que moi qui puisse témoigner de signe de vie dans cette pièce, et ce fut là le plus horrible constat tacite parmi ce charivari. Ah ! Comment le silence peut-il créer un tel vacarme ?! Comment une paix désolante peut-elle devenir une guerre effroyable ?!
    C'est un message. Un message de mes Démons insatiables.
    « Souffre. Encore, répètent-ils, répètent-ils, répètent-ils, Nous ne sommes pas repus, tu ne nous échapperas pas. »
    La réponse est introuvable. Chaque énigme est plus absconse que la dernière. Je ne retiens que ces rictus, moqueurs d'avoir assisté à tant de crédulité. Attiser leur mansuétude, quémander quelques instants d'insouciance n'est pas une réussite. 
    Leurs murmures frôlent mes oreilles, telle une caresse glaçante, s'éteignent progressivement. Jusqu'à n'en plus compter que quelques-uns.

    Je vais dormir, maintenant que je ne peux plus faire que cela, que j’ai usé de toutes mes forces. Et demain, je m’écroulerai de la même manière, au petit matin.
    Je dois me nourrir de moi-même. Je dois souffrir devant moi-même, trembler, d’excitation d’un côté, de peur de l’autre.

    Rien que les miens, dans ma tête. Pervertis.
    Mêlés à ma plume innocente et salvatrice.
    La voix charmante, attristée, s'exclame :
    « Je suis là. »
    Un jour dans la nuit. Un contact physique après un vide absolu.
    Il tend la main, pour chercher la mienne. Nos doigts s'enlacent. Un léger sourire mélancolique de réconfort se dessine sur ses lèvres.

    Je vais dormir, maintenant que je ne peux plus faire que cela, pathétique créature suppliante et vorace créature indulgente que je suis.

    ______


     INSOMNIE 

    Ënos
    | Sijerâ

    Je suis forte, mais un combat est à livrer.
    ______

    Un texte écrit après plusieurs soirées d'insomnie épuisantes. A noter qu'il a été écrit en écriture automatique puis légèrement  corrigé, donc en très peu de temps. 
    Sinon, je pars en vacances tout à l'heure, et ce jusqu'au 15 août. Je n'ai pas vraiment eu le temps de faire d'articles, mais j'en prévois plusieurs en rentrant, d'autant plus que je reviendrai avec un sourire aussi large que ma motivation ! 

    Je vais profiter de ces vacances pour bien peaufiner La couleur du vide, d'ailleurs. 


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