• Inéluctable - Chapitre 1 : Part 2

    Celestial ValkyrieJe me tiens à l'écart, derrière. Des garçons cherchent à ménager une discussion avec Paule. J’ai appris bien assez tôt à ne pas m’en mêler.
    Je lève le nez au ciel tandis que la lycéenne pénètre dans l'arrière-cour, s'arrête près d'un portail, se retourne et fait une moue agacée, puis demande catégoriquement à la troupe de la laisser. Ils l'écoutent, certains en proférant d’odieuses insultes, d'autres des jérémiades, déçus. Encore raté, les gars. Vincent s’arrête, me dévisage une fraction de seconde en arborant une moue dédaigneuse. En une ultime provocation, il tonne à l’adresse de Paule : 
    « Putain d’antisocial ! Tu lui trouves quoi, bordel ?! Quelque chose qu’on voit pas, hein, p’tite salope ! »                       (Artiste : Celestial Valkyrie)

    Et il reprend aussitôt sa marche, me foudroyant d’une œillade furibonde spontanément imitée par ses sbires.
    Je suis étonné qu’un imbécile illettré connaisse un tel terme. J’étais sur le point d’aller défendre l’intéressée, mais cette dernière a haussé les épaules avec indifférence.
    « La guerre pour la charmante Paule est finie ! clame-t-elle en levant mon poing.
    -On attend la suivante…
    -Ca te dit qu’on change d’air aujourd’hui ? »
    Elle rive le visage vers le portail. Je ne peux refouler un sourire.
     « Et comment. 
    -Tu m’aides à monter ? »
    Je la saisis par les hanches et la soulève. Elle se cramponne à la barrière, saute de l'autre côté, et je l’y rejoins.
    Paule écarte les bras, émerveillée. Les feuillages sont denses et ne laissent pas filtrer la lumière, il fait donc plutôt sombre. 
    « Putain, on aurait dû y venir plus tôt ! » s’exclame-t-elle.
    Elle se balade telle une enfant joyeusement partie en expédition, fouinant çà et là en l'espoir de faire quelques découvertes palpitantes.
    Au loin, nous percevons un mur de béton, encore caché par le paysage. L'adolescente se réjouit de sa trouvaille et accourt.
    C’est une petite bâtisse abandonnée, recouverte d'une mousse d'un vert vif. En exhale une atmosphère... Différente, ambiguë. Comme sortie d'un autre monde. Il n'y a aucun arbre aux alentours, ils ont été coupés. Le local est par conséquent baigné d'une lumière criarde qui le met étrangement en évidence.
    Sans hésitation, Paule pousse la porte noire, style gothique. Elle grince sinistrement.
    À l'intérieur, des plantes prolifèrent, et il y a toujours cette mousse verdâtre. De mignonnes fenêtres anachroniques laissent pénétrer quelques rayons de soleil dans la pièce ; il y a une grande armoire rongée par les mites, une table dans un état similaire entourée de chaises métalliques, un lit de fortune délabré.  Une multitude de détritus gisent à terre, dont des habits sales, des boîtes de conserves éventrées et encore d’autres choses non identifiées. Dans un petit recoin sont disposés des seaux destinés à contenir l’eau des toilettes et de la douche, qui elles sont totalement abjectes et nauséabondes.
    « Quelqu'un a vécu ici, je constate.
    -Et je me demande sincèrement comment il a fait, commente Paule en fronçant les sourcils et en plissant légèrement les yeux avec révulsion.
    -On a qu'à prendre les chaises et s'asseoir dehors. Elles sont en bon état. »
    La jolie rousse opine, et je saisis les dossiers de deux d'entre elles.
    J'entends son sac tomber au sol. 
    Lorsque je fais volte-face, elle a les mains plaquées sur la tête, un homme en piteux état -barbe non entretenue, malpropre, habits abîmés- a fait son entrée derrière elle, une arme à feu dangereusement plantée dans son cou.
    Paule me fixe, les yeux grands comme des soucoupes. 
    Des mots à peine audibles dégoulinent de ses lèvres tremblantes. Elle n'ose même pas suffoquer.
    Mes mains se dérobent des deux dossiers, les chaises se fracassent à terre à leur tour. Je pourrais croire que les lestes battements de mon cœur sont perceptibles. Ma gorge se noue, ma respiration se saccade. Mes sens sont en alertes. 
    « Excusez-nous... On ne savait pas que c'était habité. On... On va... Partir. Enlevez votre arme, je vous en prie » je balbutie, affolé, d'une voix étranglée.
    L'homme nous toise un à un, son regard bleuté nous électrise. Il écarte l'arme de Paule, doucement. Elle se rue vers moi, m'étreint en se blottissant contre mon torse, flageolante et en larmes. Je la serre contre moi pour la réconforter, passant une main dans ses cheveux et lui ânonnant les classiques phrases rassurantes. 
    L'adulte est vêtu d'une blouse blanche propre aux scientifiques, d'un T-shirt déchiré et d'un jean. Ses bras ballants le long de son corps maigre renferment la belle arme avec laquelle il a mis Paule en joue.
    Un certain charisme émane de lui, malgré son état déplorable. 
    « Je suis désolé, les enfants. Déguerpissez d'ici. »
    Sa voix se veut rassurante. Une voix de papa. De bon papa. 
    Paule ne se fait pas prier. 
    Je pose une main contre l'encadrement de la porte et je tourne la tête pour le dévisager grièvement. J'expose ma déduction : 
    « Vous êtes recherché. »
    Il lâche un soupir et pose ses mains sur la table -comme lorsqu’on fait un tapis au poker-, résolu. 
    « Aidez-moi.
    -En quel honneur ? je lance altièrement. 
    -Je vous aiderai aussi.
    -On a pas besoin d'aide.
    -Bien plus que tu peux le croire. »
    Après un court silence, je demande : 
    « Votre nom ? 
    -Victor Ogerau. Mais appelle-moi simplement Victor.»
    J'ôte ma main de l'encadrement et m’empare du sac de Paule, ce qui l'alarme de mon départ. 
    « Réfléchis-y », profère-t-il en un dernier conseil, tandis que je disparais. 
    J’arrive au pied du portail. Paule m’attend, blême. Je lui jette un regard désolé et l’aide à grimper.


  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Septembre 2013 à 21:57
    J'ai lu les deux parties du chapitre 1 évidemment, mais je vais regrouper les deux commentaires en 1 ici, si ça ne te gène pas :) Ton écriture est juste splendide. Je n'ai aperçu aucune faute, c'est fluide et les décors sont bien posés. Aucune répétition en vue et j'ai l'impression que tu es le dictionnaire incarné :) C'est vraiment un emploi des mots presque parfait que tu as là! Juste les 5 premières phrases sont enchaînées trop brusquement, je trouve, c'est bien la seule chose que je puisse dire. J'aime beaucoup le héro, il dégage une aura de calme et d'attention assez impressionnante, mais j'ai vraiment l'impression qu'il est rejeté par sa famille (mais je ne pense pas que ça mère soit comme les autres), les soeurs, le père...J'en suis triste pour lui... Bref, j'attendrais la suite et n'hésiterais pas à passer régulièrement en quête d'un article à commenter~
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    2
    Lundi 2 Septembre 2013 à 23:28

    Pas de problèmes ! 
    Rhooo, merci beaucoup ! Oui, je fais très attention aux répétitions et à ponctuer le vocabulaire. L'un des seuls mots que tu verras souvent est le mot "sourire", car il n'existe aucun synonyme assez explicite. 
    Oui, c'est un de mes préférés aussi (de base, c'est un de mes OCs), et j'admire plutôt le personnage. 
    Et ce n'est pas qu'une impression ! D'ailleurs je me suis inspirée de vrais cas.

    Oh, c'est vraiment gentil ! 

    3
    Mardi 3 Septembre 2013 à 08:48

    De rien~ C'est un travail sérieux que tu fais vis à vis de tes histoires et ça se voit :) Moi non plus je ne connais pas de synonyme au mot "sourire" à part "rictus" mais il n'est pas franchement approprié, il a plutôt une connotation négative ^^"

    Eh bien je l'aime beaucoup aussi, j'ai aussi beaucoup d'admiration pour lui, son calme face aux attitudes des gens autour de lui est impressionnant! (Moi je leur aurais déjà craché des mots doux à la figure...)

    C'est tout bonnement affreux de savoir que ça existe vraiment...Mais comme on dit, il faut de tout pour faire un monde.

    Héhé~

    4
    Mardi 3 Septembre 2013 à 16:50

    J'ai beaucoup modifié l'histoire avant d'en être convaincue d'ailleurs ! j'ai fait 17 pages au présent,  pour toutes les mettre au passé, changer de héros, son histoire etc. A vrai dire le héros chouinait tout le temps dans l'ancien, parce qu'il stressait pour son père. C´est mieux comme ça.  Un rictus c'est un sourire grimaçant, en effet.

    J'aime son stoïcisme. Il ne se plaint pas et se contente de ce qu'il a. Parfois c'est un peu trop abondant, les idiots. Comme dans ce cas-là (c'est souvent comme ça en banlieue d'ailleurs).

    5
    Mercredi 4 Septembre 2013 à 22:50

    Aie, j'imagine le temps que tu as dû mettre pour tout réécrire >< Oui, je le préfère plus posé et mature qu'un petit pleurnichard, moi foi. Mh.

    Exactement, il a tout pour plaire :) Arg, je ne te le fais pas dire!

    6
    Jeudi 5 Septembre 2013 à 16:58

    Une soirée ! Quand je suis motivée, je travaille sérieusement. Eh bien, l'autre héros, Shad, aimait son père et, au contraire, n'aimait pas sa mère. C'est quand même normal d'être inquiet pour son père. Il n'était pas immature non plus, quand même. Mais il a pleuré 2 fois en deux jours. Je trouvais ça lourd, et comme je trouvais Xander plus séduisant, j'avais toutes les raisons de le remplacer. Mais certaines scènes sont très peu modifiées, étant donné que Xander et Shad se ressemblent quand même pas mal.

    Oh, ça reste relatif ! Mais je suis contente qu'il te plaise. :3 

    7
    Samedi 7 Septembre 2013 à 21:39

    Ouais, motivée dis donc :D Mais pourquoi aimer son bourreau? Ou alors le père n'était pas comme ça dans la première version? 

     

    8
    Samedi 7 Septembre 2013 à 21:40

    Evidemment qu'il n'était pas pareil, haha. 

    9
    Samedi 7 Septembre 2013 à 22:02

    Je me disais aussi. (Shad, un maso? Quoi?! ><" <---la reflexion de la Mayu quelques minutes plus tôt)

    10
    Samedi 7 Septembre 2013 à 22:39

    D'ailleurs, dans le passé, Shad n'était pas très équilibré psychologiquement. C'est pourquoi les cicatrices sur les bras de Xander sont les traces des coups de son père, et celles de Shad des scarifications. 

    11
    Samedi 7 Septembre 2013 à 23:13

    Ow...Pourquoi avait-il des problèmes psychologiques? (Je suis trop curieuse, si ça se trouve ça fait parti du suspens pour plus tard dans l'histoire...)

    12
    Samedi 7 Septembre 2013 à 23:26

    Du tout, Shad ne fera pas partie de l'histoire.
    Shad ne supportait pas la solitude à un moment donné, le fait qu'on le délaisse, et aussi d'être rejeté et traité comme un moins que rien.  Ce qui l'avait donc déséquilibré,  il avait des idées noires dans la tête, et était très négatif, parce qu'il était faible à l'époque. 

    Shad n'était donc pas très heureux, un peu malheureux même, bien qu'il allât mieux du temps où il était le héros de la fiction.

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