• Inéluctable - Chapitre 2 : part 1

    Je suis retombée sur Inéluctable, enfoui dans mon ordinateur depuis 2013. Ça m'a rappelé un peu tristement l'époque où j'écrivais beaucoup et plus facilement, mais fort heureusement, la qualité du récit n'est plus la même. J'ai trouvé amusant de constater à quel point l'histoire prenait une tournure enfantine, dramatique de manière assez ridicule. Pas très original, mais attendrissant d'incertitude.
    Vous constaterez bientôt l'étendue de mes progrès depuis l'époque d'Inéluctable... Deux ans et demi durant lesquels, malgré mes pannes d'inspiration, je n'ai pas chômé ! 

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    Inéluctable - Chapitre 2 : part 1

    (Artiste : Ko-Yamii Personnage : OC, Matt Morgan)

    Finalement, je suis rentré aux alentours de vingt-trois heures. Je fus pris de maux de crâne et de nausées, et n'eus pas réussi à fermer l'œil de la nuit.
    Des oiseaux commencent à piailler. Il est tout juste six heures. Je quitte mes draps et ouvre mes volets.
    L'aurore. Je fixe distraitement le dégradé de bleu et d'orange de la voûte céleste tout en tripotant quelques mèches de cheveux en bataille.
    Mes douleurs persistent. Je lâche un soupir et attrape mon traversin que je plie sur mes genoux nus, et m’assoupis dessus.
    Je reste un petit moment, comme ça. Peut-être bien une bonne demi-heure, le temps de me sentir un peu mieux. L'harmonie de la nature n'a pas de rivaux.
    Avisant que les deux terreurs ne se réveillent, je me hâte de rafler plusieurs boîtes de conserve, des paquets de gâteaux, de la boisson, des couverts et un ouvre-boîte pour Victor, et les enfourne dans un sac plastique, aux aguets. Je suis probablement fou d’aller aider quelqu’un qui a manqué de faire sauter la cervelle de Paule, mais cette histoire m’intrigue.

    Je finis par aller prendre ma douche et m'habiller, et avale quelques médicaments par précaution.
    Pris de compassion devant la mine déconfite de Willys, je passe mes mains dans son épaisse fourrure blanche et brune, regrettant de ne pas avoir le temps de le sortir. Son expression reflétant une preste joie, je m’enhardis à l’idée de m’exécuter ce soir.
    Je me précipite au lycée sans plus tarder, y pénétrant à l'instant où l’équipe éducative en ouvre les portes, puis dans l'arrière-cour encore non peuplée.
    Je grimpe agilement, cours encore et encore. Et trébuche la tête la première dans la terre fraîche et les pousses de plantes. Ce n'est qu'une branche mal placée. 
    J'essuie hâtivement les traces sur mes habits et mon visage, et repars dans ma course effrénée, le bruit métallique des boîtes de conserve dans mon sac l'accompagnant avec toujours autant d'entrain.
    Le local me fait toujours son effet onirique. Je frappe bruyamment à la porte. 
    Victor semblait encore dormir, sa voix encore embuée de sommeil s'élève lassement :
    « J'arrive, j'arrive...
    -Vous ne demandez même pas qui c'est ? » je demande, étonné, tandis qu'il ouvre la porte.
    Il m'ébouriffe les cheveux de sa main crasseuse, d'un geste trop familier à mon goût. Mais il sourit, un sourire magnifiquement sincère, et paternel, comme toujours. De son côté, il a dû être privé de ses enfants. Moi, d’un vrai père.
    « T'inquiète pas, va, je savais que tu viendrais, t'es un bon gars. Ils se donneraient pas la peine de toquer pour m'éclater la cervelle. Allez, rentre. »
    Je grimace.
    J'ôte la nourriture de mon sac, que j’ai négligemment déposée sur la table miteuse. Il se jette sournoisement dessus, éventre une boîte de conserve, trempe goulûment ses doigts et les amène à sa bouche, tout cela en émettant des bruits gutturaux. Je slalome entre les saletés pour m'adosser à une partie du mur non parasitée par la mousse. J'attends. J'essaye d'imaginer en quoi il va bien pouvoir m'aider, à mon tour. Mais non, je ne trouve rien de bien concret, plausible.
    Après avoir consommé une bonne partie des provisions, il s'essuie la bouche.
    « Bon, mon gars... commence l'homme, j'ai pas oublié le deal. Je te préviens : sois pas trop bavard, ils te feraient taire. »
    Le visage de Victor est soudainement hiératique.
    « Il a pas un bout de temps, un groupe de révolutionnaires a commencé à jacter. Ils déclinaient des sales idées, et ce dans le but de créer un nouvel ordre mondial. Ceux qui dirigent ça sont maintenant très nombreux, et par conséquent ils détiennent "le monde" entre leurs mains. Et ils comptent bien aboutir leurs projets. »
    ’arbore un sourire désabusé, mais il poursuit sa tirade sans y prêter attention.
    « Ils vont enfin agir. (Il empoigne un morceau de tissu de sa blouse sale.) Tu as dû remarquer que j'étais scientifique. Je travaillais pour ces types-là. Pourtant, on ne savait rien d'eux, si ce n'est leur but. Pour caresser le nouvel ordre, il est indispensable de posséder ce qui fait la vie et la mort des citoyens, et une influence dans tous les domaines. Culture, commerce, économie, droit… Et évidemment, science. De nos jours, on développe des vaccins contre les cancers ou certaines maladies. On progresse. Mais ce que peu de personnes savent, c'est qu'on développe aussi des virus, qui pourraient décimer des civilisations entières, par exemple. Précisément le secteur qu’on m’a assigné, avoue-t-il, Je suis l'un des seuls à ne pas avoir perdu la tête en sachant ce que je faisais. »
    J'écarquille les yeux et me renfrogne aussitôt.
    « Pour parvenir au nouvel ordre mondial, la civilisation actuelle ne convient pas. Et après plus de trois cent ans de travail, arrive le point culminant de la conspiration. »
    Je me racle la gorge, fixant le scientifique avec appréhension.
    « L'extermination de notre peuple. »
    La rationalité me saute aux yeux, me rassure : je ne connais rien de ce Victor, il affabule probablement depuis tout à l'heure. Je ne peux pas avoir confiance en lui. L'homme se rend compte de mon incertitude et ricane.
    « Mon petit, je n'ai aucun intérêt à te mentir. Enfin, si tu veux bien me laisser poursuivre. »
    J'opine docilement, toutefois d'un œil suspicieux.
    « Enfin, exterminer… C’est un bien grand mot. (Je lâche un petit soupir de soulagement.) Disons qu’ils vont sérieusement altérer nos vies. J'ai vu mes camarades de laboratoire mourir un à un, chacun dans de mystérieuses circonstances, et j'ai avisé en trouvant refuge dans ma ville natale : cette banlieue. Dans ce qui me servait de "base secrète" dans mon enfance, en vérité, ajoute Victor en refoulant un rire nostalgique, Ils nous avaient promis que nous serions épargnés, mais ils n’en ont jamais eu l’intention. Nous les dérangions de part notre savoir. (Il appuie sa tête contre son poing et baille.) Le dernier virus que nous avons mis au point se nomme Satan. Il s’agit d’un virus transitoire, c’est-à-dire qu’il fait passer l’infecté d’un état à un autre. Il se caractérise d'abord par des pertes de connaissance et de sang froid, l’engourdissement des membres, des fièvres et des maux de crâne. Finalement, l’infecté deviendra un véritable carnassier avide de chair humaine : ses dents seront aiguisées, ils auront des griffes rétractiles et une attirance innée et folle pour la chair des humains, mais leur conscience en demeurera intacte.»
    Je m’agenouille, de façon à reposer mes membres.
    « Une véritable armée omniprésente, grosso modo.
    -Tout juste.
    -Quelles seront les personnes en mesure de survivre ? je questionne en rongeant mes ongles.
    -Les adolescents et les adultes, répond le scientifique après courte réflexion, les seniors et les nouveau-nés ne seront que des fardeaux. Les enfants ont leurs chances s'ils ne sont pas seuls. Certains hospitalisés seront tout juste les contaminés, les autres serviront d’entrée. Satan a également la particularité accroître les capacités physiques de ses contaminés et de les guérir de problèmes musculaires lorsqu’ils le développent. Outre ces bénéfices, ils sont aussi vulnérables que nous. Il faudra être malin. Cerner les réactions des contaminés, leurs atouts, leurs points faibles... (Il attend avant de poursuivre, pour prôner la suite.) Et savoir faire des sacrifices. »
    Je conclus que mon géniteur serait soit contaminé, soit condamné.
    « Il est inutile de faire jaser ce que je t'ai dit, même si je me doute que ça serait plutôt (il a pris une voix d’adolescent pré-pubère) : « Y a un vieux fou qui m’a raconté des histoires de fin du monde, il m’a pris pour un lapin de trois semaines ! » Quoi qu’il en soit, c'est irrémédiable. A affoler tes proches, tu signerais leur arrêt de mort avant l'heure, à toi et à eux tous. Les conspirateurs seraient au courant d'une manière ou d'une autre. Les conspirateurs sont partout. Tâche de protéger les gens que tu aimes le moment venu. »
    Je passe une main sur mon front. Je recommence à me sentir mal. L’initiative que tout ceci soit la vérité n’est pas à négliger… Pourtant, je me vois bien piteusement crédule.
    L'homme se lève et se dirige vers l'armoire. Il saisit une couverture neuve et s'avance vers moi pour la déposer sur mes épaules. Je m’emmitoufle dedans, la serrant fort. Je respire, inspire, et clos les yeux. Une poignée de minutes plus tard, je parais en état. Je plie et remets affablement la couverture à sa place.
    « Ça va mieux ? » demande bêtement Victor.
    J'acquiesce. Il me tend une liasse de billet de vingt euros.
    « Il y a à peu près sept cent euros. Ça ne me sert à rien puisque je ne peux plus sortir. Fais-en ce que tu veux, mais reviens m'approvisionner jusqu'à la grande contamination. Je compte sur toi. »
    J'ai au moins la preuve qu'il est réellement recherché. On est rarement prêts à donner sept cent euros à un inconnu pour se foutre de lui. J’hoche la tête et prends la liasse, stupéfait.
    « Je ne sais pas trop quoi dire... Je serais même tenté de refuser, mais ça n'aurait pas de sens... Merci, Victor.
    -Pas de quoi. Je suis heureux d'avoir pu confier ça à quelqu'un. »
    J'esquisse un léger sourire et salue l'homme.
    « A demain. »
    Glouton.


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