• (Sans-titre)

    Thématique : Mettez en relation l'originalité et le bonheur en comprenant la thématique du "pont" sous la dimension de votre choix. 

    «  Ci-gît pléthore de vies.
    [Espace réservé au recueillement] »
    Il n’y avait maintenant plus rien d’anormal pour Drug Utzicht que de surprendre ce genre d’épitaphe  aux abords de la rue la plus quelconque d’apparence qui soit.
    Un écriteau en  bois miteux était érigé sur les sinistres clôtures métalliques, rubigineuses et biscornues. En jetant un coup d’œil latéral, on pouvait constater que ce pseudo-cimetière tenait plus du capharnaüm, ne se rattachant aucunement aux figures traditionnelles de ces derniers. En effet, les stèles n’étaient que de piètres blocs de béton parmi les arbres abattus, les ronces et les fougères.
    Les oubliés psalmodiaient une singulière litanie dont nous ne saisissions pas le sens, ni Drug, homme de condition banale, ni moi, entité indéterminée– ni vivant, ni mort, ni chimère, ni humain, ni animal ; autre, inconnu. Le fait est que si la matière organique n’eût pas de secrets pour moi, celle psychique demeurait un mystère, de même que ma propre existence. En effet, le cimetière grouillait de spectres : leur prolifération était telle que même un être à faible capacité spirituelle tel que celui que j’infiltrais pouvait les percevoir.
    Seules les artères principales de la commune étaient peuplées, ainsi le jeune homme blond n’était nullement surprit de la désolation qui régnait dans les allées dégarnies. Si les spectres lui provoquaient diverses hallucinations, Drug n’était pas dupe de ces sensations kinesthésiques, extéroceptives et intéroceptives.
    La ruelle bifurqua sur un vaste terrain vague, qui s’étendait sur un ou deux kilomètres à la ronde.  Seules quelques pousses cafardeuses témoignaient de signe de vie ; à perte de vue, des teintes chaudes, pisseuses, et un vent brûlant à en faire ployer toute vie.
    Lorsque Drug atteignit le pont inachevé dont les éboulis avaient obstrué le ruisseau, il transpirait par tous les pores. Son habit de fortune ne ressemblait plus qu’à un chiffon humide destiné à la plonge, tant il lui collait à la peau. Il prit son vêtement par le col pour le secouer, et, constatant ses efforts vains, finit par l’ôter.  La rive opposée était inaccessible, mais n’avait, quoi qu’il en soit, guère de terres hospitalières qu’un désert aride et mort. Dubitatif, le jeune homme prélassa ses yeux pourpres sur le paysage acariâtre. Peu inspiré, il s’en remit à son imagination, et se consacra dans la conception onirique d’une oasis.
    Sa concentration atteignit une intensité prodigieuse, de telle façon qu’il crut ouïr le doux bruissement d’une rivière sous ses pieds – et même une pincée de cris d’admiration de dignes représentantes de la gente féminine à la poitrine protubérante, à l’égard de sa « beauté » et de son « charisme » ; il rit nerveusement d’autodérision.  Lentement, il rouvrit ses paupières : devant lui, pas le moindre liquide pour désaltérer son corps et sa gorge, mais une jeune femme. Elle ne lui apportait pas de bière en bikini, ne scandait pas son prénom, et n’avait pas non plus de buste proéminent.
    En effet, la nymphe n’offrait pas un spectacle anodin. Sa chevelure flamboyait, chatoyant à la lueur du zénith ; il sembla là que ce fut le seul être à pouvoir être sublimé d’un tel chaos. Sa robe irisée, dont les confins étaient faites de spirales, épousaient avec grâce les formes de son corps diaphane et élancé.
    C’était là bien plus que ce que l’énigmatique blond eut espéré plus tôt, et il ne sut expliquer quelle sorte de bonheur l’emplissait à cette vue. Il sourit, jusqu’à ce que ses lèvres se décollassent, pour s’esclaffer d’un rire apaisé. Quoiqu’incrédule, Drug ne se refusa pas à ce mirage charmeur.
    Il perdit sa fierté en croyant y discerner son utopie. Ses pas s’orientaient dangereusement vers la berge, sa main tendue, le visage mué d’admiration.  Il se fichait bien de mourir : il était prêt à mourir, puisqu’il était maintenant heureux. La pierre gémit sous ses pieds en guise d’avertissement.
    La seconde suivante, il gisait au sol. Toutefois, ce n’était qu’un sol fait de pierres vétustes, et non de rochers affutés.
    Au-dessus de lui, la dryade souriait. Amusé, Drug lui rendit ce sourire, et, sans l’ombre d’une hésitation, sans attendre une quelconque permission, il porta ses lèvres aux siennes.
    Il sentit sa chevelure blonde frémir. De ravissantes fleurs et plantes chromatisées, quoiqu’elles lui conférèrent un air efféminé,  ornaient sa crinière.
    La vie semblait le saisir avec une ambition vigoureuse.
    « Pourquoi es-tu ?  demanda-t-il, une fois qu’il eut fini de savourer cet exquis baiser.
    -Je ne suis qu’uniquement parce que tu es.
    Rien n’est plus vivant que ce que ton imagination crée. Rien n’est plus vivant que l’originalité. Rien n’est plus authentique que la Passion : toute histoire contée avec Passion est entièrement vraie, puisqu’elle est imaginée d’un bout à l’autre.
    La Passion te recueillera, te guidera,  te comblera mieux que quiconque ; elle est la meilleure amie qui soit ;
    ni la souffrance, ni le vide, ne peuvent interrompre le perpétuel joug des sentiments. »

    (Sans-titre)

    (Dessin en cours de réalisation, Aquarelle, Promarkers, crayons de couleur, crayons à différentes pigmentations, porte-mine. Drug Utzicht.)


  • Commentaires

    1
    Garance
    Dimanche 10 Mai 2015 à 21:40

    C'est incroyable, les descriptions nous portent vers un autre monde  et nous font rêver... La morale à la fin est formatrice et nous encourage à créer et  laisser l'imaginaire nous guider.. :)


    félicitations, ce n'est que mon humble avis mais t'as du talent  je t'encourage vivement à continuer :D 

    2
    Mercredi 8 Juillet 2015 à 08:00
    Lors de ma pause déjeuner lundi dernier, je suis tombée sur votre site. Je suis donc revenue aujourd'hui car j'apprécie vos articles, merci !
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    3
    Dimanche 12 Juillet 2015 à 00:55

    Ce commentaire me fait plaisir après tout ce temps d'inactivité ! Merci à toi ! 

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