• La banalité éclatait de toute son horreur

       La forêt, salvatrice, s'étendait sur plusieurs kilomètres. Au-delà, c'étaient des terres asséchées à n'en plus finir. Aria les avait vaguement aperçues lorsqu'elle était arrivée sur un versant, mais elle s'était dérobée à cette vision pour poursuivre son ascension. Arrivée sur une des crêtes les plus hautes, elle s'était avancée vers les rochers pour s'abaisser, se pencher et admirer la profondeur du ravin, de plusieurs centaines de mètres ; cette curiosité-là sourit aux audacieux et anime l'esprit par la peur et la violence. Passée cette distraction, elle s'était nonchalamment étendue sur l'herbe recouverte de givre.
        C'était il y a près de quatre ans désormais. Aria était partie très tôt, bien avant l'aube, en ayant pris toutes les dispositions que supposaient le froid et l'ascension. Elle n'avait prévenu personne. Les rues de Babylone étaient parfaitement silencieuses, mais, craignant de subir la présence de qui que ce soit, elle courut plusieurs kilomètres avant d'arriver aux pieds de la chaîne de montagnes. Sa course était aérienne, son allure leste. Sa silhouette, élancée et fine, semblait rétrécir à mesure qu'elle s'approchait des monts. Elle y disparut joyeusement. De toute la journée, personne ne la chercha.
       L'aube se profilait dans le ciel, d'abord en teintes bleues et grises, puis, à mesure que le ciel s'éclaircissait, parmes ; toutefois, la forêt restait opaque à cette lumière. Quand elle levait les yeux, l'aube se découpait, étouffée, entre les feuillages denses et noirs des arbres. Elle resta aux aguets des bruissements épars jusqu'à ce que l'aurore n'éclaire les sentiers.
       Aria se plaisait à la belle insignifiance de ces instants. Ces instants n'appartenaient qu'à elle : elle les savait destinés à s'évanouir parmi l'éternité du temps, cette grandeur qui donnait une formidable futilité aux choses. Personne ne saurait rien de ce calme émerveillement qui l'éprenait lorsqu'elle découvrait des ruisseaux et des mares, disposés dans un fortuit clair-obscur. Elle s'intéressa à une cabane abandonnée, au-dessus d'un monticule. Des bouts de bois cassés parsemèrent son chemin jusqu'à l'abri ; derrière la cabane, elle aperçut une vieille baignoire en plastique. Quelques gerbes de terre en tapissaient la cuve.
       La montagne même, qui se tenait ici depuis des millions d'années, tenace face au temps, ne parvenait à avoir une traître importance au regard de l'univers. Elle n'en avait qu'aux yeux d'Aria et aux autres humains qui la foulèrent avant elle. Les lapins, dont elle discernait parfois les oreilles, avaient ce quelque chose d'humble dans leur insouciance : pas plus la montagne que l'univers ne les préoccupent. Ponctuellement, ils détalaient en entendant les pas d'Aria, et ces pas-là, parce qu'ils les effrayaient, avaient plus de valeur à leurs yeux que toutes les considérations métaphysiques d'Aria.
       Après quelques heures de marche, elle renonça à poursuivre son chemin : les sentiers n'étaient plus entretenus. Les ronces s'accrochaient à ses vêtements, et c'était sans compter sur les feuillages envahissants des bosquets, qui rendaient sa progression pénible. Elle rebroussa chemin pour s'installer sur la colline. Le soleil n'était plus à son zénith depuis un moment.
       Les brins d'herbes chatouillaient la joue d'Aria, dont la rousseur se mêlait harmonieusement à la verdeur des plantes. Ses bras cerclaient négligemment sa tête tandis que ses jambes, détendues et légèrement écartées, étaient affaissées. Son souffle, d'abord saccadé par l'effort qu'elle venait de faire, devint peu à peu inaudible. Le seul mouvement qu'elle exécutait était celui de ses paupières, pour cligner des yeux. Ses cils roux voilaient ses iris, verts à l'exception de la tâche orangée qui faisait le pourtour de sa pupille. Il s'y reflétait le bleu du ciel. Elle resta immobile. Ainsi, elle détaillait les rares nuages.
       Elle aimait contempler le ciel, mais la plupart du temps, elle ne faisait que l'apercevoir. Elle se savait sur le point de partir ; elle se dit qu'elle reviendrait ici.
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       Chris était finalement revenu sur les terres fertiles qui l'avaient vu naître. Ce pays de Caucagne et son souvenir chaleureux avaient habité chaque jour ses pensées depuis son départ. Il n'avait pas toujours été heureux, ici, mais il l'avait été plus que nul part ailleurs.
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    ils sont laids si terriblement laids ils ne comprennent rien à rien et ne pensent qu'au sexe ces BÊTES D'HOMMES sont tout à fait étrangères aux considérations philosophiques moi qui pense à la mort moi qui dans mon désespoir suis somme toute seule ils m'étreignent et se frottent à moi lascivement
    Je les hais je les hais tant ceux pour qui l'abandon n'est que routine et me laissèrent à hurler de rage sur le bas côté dans le caniveau
    Une implosion dans mon cerveau et des pensées fusent comme du pop-corn je songe peut-être que je n'aurais rien dû vivre de tout cela que je n'aurais jamais dû la rencontrer pour m'éviter de penser à son corps qu'elle a pendu
    Personne ne peut rien pour moi ou pour qui que ce soit PERSONNE et il n'est plus d'esprit pour s'intéresser à quelque conception négative que ce soit
    Ces mauvais réflexe de naïveté me poussent à parler mais ils me disent de me taire avec mes inquiétudes et me fourrent leur sexe dans la bouche
    C'est beaucoup plus important !!!
    Les inquiétudes ils ont le luxe de vivre sans ou de s'en créer ponctuellement les véritables les effraient terriblement tandis que celles qu'ils s'inventent les font frémir juste assez
    Je ne suis pas faible parce que j'ai le soin et la préoccupation des choses du monde ils sont ignobles de n'en avoir que faire et de vivre comme si RIEN N'ÉTAIT ARRIVÉ QUI AIT JAMAIS CHANGÉ LE MONDE
    J'Y REPENSE J'Y REPENSE ET JE LE HAIS POUR SON INDIFFÉRENCE FACE AU MEURTRE ma pauvre petite nostalgie qui me poussait à tenir cet objet et devant mon émotion il s'enquit de cet ABOMINABLE « ET ALORS ? » QUI AUJOURD'HUI ENCORE ME DONNE ENVIE DE M'EXPLOSER LE CRÂNE CONTRE UN MUR
    Personne ne comprend et d'ailleurs personne n'en a envie car ces gens n'ont d'yeux que pour l'insouciance le sexe et l'ivresse pour les pleurs il n'y a que les étreintes et les petits mots qui n'ont aucun sens aucun sens AUCUN SENS
    J'aurais bien voulu moi me taire parce que je n'ai rien à dire mais ce n'est pas de mon ressort je n'ai pas choisi de vivre parmi l'ignominie
    je ne PEUX PAS ARRÊTER D'Y PENSER tout le monde s'adonne au superflu
    IL M'EXÈCRE AU PLUS HAUT POINT !!
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       « Quelle importance ? » elle se demanda, et elle ferma les yeux. La mort sa voisine s'était imposée dans sa vie comme une anomie.
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      J'ai toujours ce regret-là, aussi bonne soit la compagnie : ce temps-là, je pourrais l'employer à ce qui m'est le plus important au monde, écrire.
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    La curiosité de voir deux êtres s'aimer et mourir
    Tu l'eues, mais toi, jamais tu ne connus
    L'étreinte désintéressée d'un être amical
    Lorsque retentit le piano strident, les yeux au ciel
    Un instant je ne fais plus dans la pitié
    Et les stries de souffrances que tu as laissées par ton nœud
    Je n'en dis que des banalités ! Une mélopée de banalités !
    Au rythme des violons, harmonieusement
    C'était ton choix.




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